mardi 22 septembre 2009

"POR FAVOR, MI DINERO ESTA EN TU CHUCHA"

= Excuse moi, mon argent est dans ta chatte

Veuillez me pardonner la vulgarité, voilà simplement une blague sur laquelle Marina et moi nous sommes bien marées il y a quelques jours. Marina, j’aime dire que c’est un peu mon garde du corps. En vrai, c’est la fille de la Señora. Elle vit dans une maison séparée à cinq minutes de la mienne, avec son mari et ses trois enfants, ainsi que Jessica, la volontaire américaine. Dès que je dois me rendre dans un quartier qui craint un peu, Marina m’accompagne. Je n’ai qu’à aller frapper à la grille de sa maison en criant « A ver ! » (ce que l’on dit quand on va chez quelqu’un ou dans une boutique pour signaler qu’il y a quelqu’un) et Marina sort avec son grand sourire et son « Hola chica! », prête à me rendre n’importe quel service. Encore une illustration de la gentillesse incommensurable des gens que je rencontre ici.

Bref. Pour en revenir a cette histoire de dinero dans la chucha, je me rends un jour comme les autres chez Marina et m’époumone d’un « Aaaa veeeer ! ». Nous avions rendez-vous pour qu’elle m’accompagne à la banque, dans le centre-ville, où je devais changer quelques deux cents dollars de travelers cheques. Le quartier où je me rendais n’est pas ce qu’il y avait de dangereux ce jour là ; c’était bien le fait de me promener seule avec deux cents dollars en liquide sur moi. J’en viens à l’objet de cet article : le fric, le blé, la plata, dans un pays comme l’Equateur. La pauvreté fait que n’importe quelle activité qui permet de ramener un peu d’argent est bonne à prendre. Ceci explique la présence d’une multitude de micro-vendeurs éparpillés sur les trottoirs du matin jusqu’au soir, vendant du jus de noix de coco, des autocollants, des tranches de mangues ou des enveloppes postales, et proposant toutes sortes de petits services comme le rechargement des piles ou le cirage des chaussures.

Mais d’abord, terminons une bonne fois pour toute l’anecdote. 40 minutes de bus et 20 minutes de queue plus tard, assoiffée, j’ai mon cash en poche. Mais avant même que je puisse regagner la sortie de la banque et me précipiter telle une attardée sur le petit vendeur d’en face pour m’acheter un jus de goyave, Marina m’entraine dans un coin sombre au premier étage et me dit de mettre mon argent dans le sac jaune qu’elle me tend. Mierda ! Je rêve où elle est en train de me voler ? « No estúpida ! répond-elle devant ma mine stupéfaite. Un poco confianza por favor! ». Deux cents dollars dans le petit sac jaune, et hop, ni vu ni connu, Marina l’enfouit bien bas dans sa culotte, au niveau de sa chucha. L’hygiène et l’espace personnel sont pour un autre article, j’ai beaucoup à dire sur ces sujets aussi.

Réflexe bizarre que de cacher son argent dans ses parties intimes. J’essaie de me souvenir de la dernière fois que j’ai fait ça en France… Je réalise que ce n’est pourtant pas la première fois que je vois ça en Equateur. La plupart de mes copines sortent de chez elles sans sac, mettent tout dans leurs poches, et leur argent dans leur soutien-gorge. Certaines vont même jusqu’à le coller à même la peau avec de l’adhésif. Quant à la carte de crédit, elle reste bien au chaud à la maison, et ne voit les doux rayons de soleil que 5 minutes par semaine, le temps de traverser la rue jusqu’au distributeur automatique pour retirer du liquide et rentrer rapidos à la maison.

Le ton est ironique, pourtant ces précautions sont prises par quasiment tous les Equatoriens. Le coupable dans tout ça : le vol. Règle numéro une dans tout pays d’Amérique Latine : ne pas sous-estimer son ampleur. Le vol est non seulement extrêmement fréquent, il est aussi extrêmement bien organisé. C’est tristement le gagne-pain d’un grand nombre de personnes qui ne parviennent pas à survivre avec les micro-activités que j’ai mentionnées. C’est un business qui se décline en une infinité de cas de figure, du « petit » vol de sac à main ou de portable dans la rue au « sequestro expresso », vol à main armé dans un taxi. A peu près tout le monde que j’ai rencontré en Equateur pour l’instant s’est fait voler à plusieurs reprises, certains par simple faute d’inattention avec leurs affaires, d’autres de manière bien plus violente. On ne peut pas contrôler le fait de se faire voler, du coup on essaie au moins de contrôler ce que l’on peut nous prendre.

Ainsi, comme le voleur a rarement le temps de plonger sa main dans la culotte de sa proie au milieu de la rue ou dans le bus, on cache ingénieusement les deniers dans la chucha.

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