mardi 24 novembre 2009

De Francia? En SERIO? Wooooow...!

Une Française attire évidemment l’attention ici en Equateur. Encore plus une Française qui vient de Paris. Je représente le bon goût, la mode, le raffinement, le romantisme, la culture, l’art, l’histoire… dans les négatifs, le français représente aussi l’arrogance, le snobisme, le mauvais touriste et, ALLEZ SAVOIR POURQUOI, le manque d’hygiène. Tandis que Jessica me dit parfois qu’elle va prendre une « french shower » pour dire qu’elle va faire une toilette rapide, Dionne – mon amie anglaise – m’inspectait les aisselles pour savoir si je m’épilais. Mais en règle générale, ce sont mes compagnons anglo saxons qui soulignent les défauts du français. Les Equatoriens de leur côté ont, pour l’instant, démontré une certaine fascination. « Eres de FRANCIA ?? En serio ?? De PARIS ??? Wooow ». Et c’est parti pour une avalanche de questions, les plus fréquentes étant les suivantes :

* Si c’est vrai qu’on mange des escargots et des grenouilles en France

* Si mes vêtements viennent de Dior et Yves Saint Laurent

* Si c’est vrai que les hommes français sont romantiques

* Si j’ai déjà été à la Tour Eiffel

* Si c’est vrai que la Première Dame de France est mannequin

* Si c’est vrai que les Français boivent à partir de midi

* Si c’est vrai qu’on travaille seulement 35 heures par semaine en France

* Si je peux leur enseigner le French Kiss

A chaque fois c’est le même dilemme : dois-je leur avouer que la France est bien différente de tout ces clichés (désolée les filles, les français ne sont pas si romantiques que vous le croyez, et désolée les mecs, mais le French Kiss n’a rien de différent par rapport à une pelle ordinaire) ou continuer à jouer sur leur curiosité (Alala vous savez, j’habite à 15 minutes à pied de la Tour Eiffel, et en France il est coutume de boire un verre de vin et de manger du fromage avec chaque repas, et bien entendu je porte mon petit béret Sonia Rykiel tous les jours…).

Le fait d’être française ne m’aide pas seulement dans mes relations amicales, je me rends compte que cela me donne aussi beaucoup de facilités dans mes relations professionnelles, ce qui est plus surprenant. Je m’attendais à ce que les gens soient plus impatients avec moi parce que je ne parle pas couramment espagnol, mais c’est tout le contraire. On considère que si je suis venue depuis la France pour travailler un an dans une ONG équatorienne, cela vaut bien qu’ils m’écoutent. Comme je suis venue de mon pays pour aider le leur, cela vaut bien qu’ils m’aident en échange. Un jour, en rendez-vous avec le directeur des donations de la Junta de Beneficiencia de Guayaquil, celui-ci décroche le téléphone, appelle une de ses collègues qui n’est autre que la responsable des Relations Extérieures. Vient ici, lui dit-il, j’ai une charmante petite volontaire française dans mon bureau et je pense que tu devrais la rencontrer. Il s’est avérée que la dite collègue avait vécu trois ans à Paris, adore parler français, connait Sciences Po et l’AIESEC, et fait partie du Rotary Club – une organisation internationale de volontariat, assez bourgeoise mais bien utile. Eurêka. Je bénis mes racines. Nous papotons de tout et de rien, elle me raconte qu’elle est la responsable des donations de Noël du Rotary Club de Guayaquil et qu’elle serait ravie d’aider mon ONG, encore un peu de blablabla, Oooh et puis tu sais tu es tellement mignonne, je vais inscrire ton ONG sur la liste des fondations qui bénéficient de nos donations de chaises roulantes. A l’origine d’une aussi grande réussite, cette simple petite phrase au téléphone avec la secrétaire d’accueil : « Soy una voluntaria francesa de la Fundación Corazones Unidos ». Et je me suis ouverte je ne sais combien de portes.

Comme si ça ne suffisait pas. Pour couronner le tout, je commence à connaitre mes petites heures de gloire équatorienne. Après qu’un article de journal soit paru lundi dernier en parlant de la Fundación et de l’expérience de la petite volontaire française « Cemile Chan » (soupir…) qui partage ses impressions de l’Equateur avec nous, c’est au tour d’une amie de me demander de participer à un défilé de mode à Salinas, petite ville touristique au bord de la plage à deux heures de Guayaquil. Euh pourquoi pas, ai-je répondu sans grande conviction. Après tout c’est pour aider sa cousine qui lance sa propre ligne de vêtements, je ne me vois pas refuser. Et puis ça pourrait être marrant. Sauf que quand je vois sur les invitations qu’ils annoncent la participation de « Modelos Internacionales de Canadá, Francia y Estados Unidos », je ris jaune. J’appelle mon amie en panique : Euh Lorena, je crois qu’il y a eu une erreur de frappe, parce que tu sais, quand tu dis qu’il y a des Modelos Internacionales, les gens s’imaginent que Kate Moss et Laetitia Casta vont se pointer. Et elle de me répondre que ce n’est pas grave, puis elle enchaine en me prévenant que les gens vont probablement vouloir prendre des photos avec moi après le défilé, « c’est normal, en tant que mannequin française tu vas un peu être une star ce soir là ».

Arrive le fameux weekend du défilé. La veille, Lorena nous oblige à aller faire la promotion de l’évènement dans Salinas à 23h. Je voulais rester glander à la maison mais non, les « mannequins » étrangères doivent distribuer les flyers aussi. Et à chaque fois que je tends un flyer, on me demande si je suis la française, l’américaine ou la canadienne. La Francesa, je réponds. « En serio ?? Wooooow! ». Pour connaitre la suite de la conversation, se référer à la liste de questions publiée en début d’article.

Le soir de l’évènement, je commence à penser qu’il aurait été plus facile d’être une Sanchez, une Alvaro, une Lopez, tout sauf une française. Mais avant que je n’ai le temps de changer d’avis, arrive le moment ou je dois sortir sur le podium vêtue d’une minijupe de toutes les couleurs, talons aux pieds et fleur exotique dans les cheveux. J’essaie de ne pas penser à l’image de Carrie de Sex and the City qui s’explose parterre devant tout le monde lorsqu’elle participe à un défilé de mode, et je me lance. C’est assez sympa au final. Une pose par ci, une pose par là, le regard fixe, se retourner, marcher, s’arrêter. Ca dure vingt secondes à peine, mais je profite et je m’amuse bien. On enchaine avec une grande fiesta organisée dans la discothèque où s’est déroulé le défilé, qui dure jusqu’aux petites heures matinales. Je suis « la mannequin venue de France », ce qui me fait bien rire. Et de ce fait, les charmants jeunes hommes équatoriens aux bonnes manières et aux intentions les plus pures ne me lâchent pas. Il faut bien se rendre compte que les étrangers venant de pays occidentaux sont considérés comme plus « libéraux » et ouverts, sexuellement parlant. Mes chères amies voyageuses, s’il vous arrive donc de vous rendre dans un pays en développement aux mœurs conservatrices, il convient de garder en tête cette image « facile » qu’on prête aux étrangères occidentales car elle nous attire évidemment beaucoup d’attention de la part de ces messieurs.

Dans tout ça, je pense que vous avez compris que je me complais quand même pas mal dans ce rôle de la petite volontaire française qui vient de Paris, qui aime boire beaucoup de café noir sans sucre sans lait, qui demande un verre de vin à chaque fois qu’on va dans un bar alors que tout le monde demande une bière, qui préfère porter du bleu marine et du noir que des vêtements super flashy et moulants, ne sait pas bouger ses hanches comme les autres Latinas et fait bien attention à ce qu’elle mange. J’ai beau essayer de me fondre dans le moule équatorien sur certains points comme le fait d’arriver avec une heure de retard à tous les rendez-vous ou essayer de prendre l’accent équatorien, les autres points que je viens de citer restent inflexibles. C’est bien, ça me permet d’avoir une bonne dose quotidienne de rire avec tous ceux qui se marrent devant ces petites différences culturelles.

jeudi 12 novembre 2009

UNA GUAYAQUILEÑA EN CUENCA



Imaginez une Française vivant à Guayaquil, s’en allant passer quatre jours à Cuenca. Guayaquil, nœud économique et commercial de l’Equateur, sans charme ni lyrisme, où seul compte la valeur de l’argent et du négoce ; Cuenca, ville coloniale, fleurie, historique et inscrite depuis 1999 au patrimoine culturel de l’humanité. D’où moi, n’ayant vu l’ombre d’un édifice culturel depuis deux mois, hystériquement béate.

Les périodes de congés en Equateur donnent lieu à des flux de vacanciers quasiment pires qu’en France. Et pour ce pont spécifique (du 30 octobre au 3 novembre), la destination principale était Cuenca, qui célébrait l’anniversaire de son indépendance sur quatre jours. Toute la ville alors s’anime et s’illumine. Les artisans indiens et hippies affluent vers la ville et envahissent les rues de petits stands de bijoux, écharpes, sacs et bruleurs d’encens fabriqués artisanalement au fin fond des Andes. Les artistes, musiciens, peintres, comédiens se posent sur les places publiques, attirant les foules par des numéros de danse traditionnelle, des scènes burlesques et démonstrations talentueuses. A tous les coins de rue, on aperçoit les militaires des forces armées équatoriennes, venus pour participer au défilé du 03 novembre. Les foires, concerts publics, fêtes foraines et marchés se multiplient. La ville est en fête, et au milieu de tout ça débarquent comme d’habitude à l’improviste une française et une américaine, qui ont décidé quasiment la veille d’enfiler leur sac à dos pour voyager le temps de quelques jours.

Jessica et moi sommes désormais une bonne paire pour voyager. Après avoir endurci six heures tout à l’arrière d’un bus moisi (où on sent bien évidemment le mieux toutes les secousses et nid de poule des routes équatoriennes) la semaine dernière en revenant de Manta, nous nous sommes juré fidélité pour voyager. Y compris pour nous rendre au Pérou en janvier !

On se rend donc au terminal de bus à cinq heures du matin samedi – oui oui…ça s’appelle trois heures de sommeil, on ne fait pas les choses à moitié – pour éviter les queues. Six heures du matin, on est dans le bus. Sept heures, je ne peux pas dormir parce qu’un abruti dans le bus pense qu’on a tous envie d’écouter sa musique reggaeton. Huit heures, l’abruti dort, moi non parce que j’ai oublié de faire pipi avant de partir. Dix heures et demie, nous voilà enfin à Cuenca. On a en tête de se rendre pour la journée à Ingapirca, le site de ruines Inca le plus important d’Equateur. Il faut encore prendre deux bus pour y aller, soit encore trois heures de trajet. Je jubile… surtout quand on se rend compte que nos billets n’ont pas de places attitrées et qu’on doit donc faire le trajet debout parce que le bus est plein. Aaah les joies du voyage.

Nous voilà donc à Ingapirca, situé à 3 230m d’altitude, où il fait tellement froid qu’on sent nos sourcils se transformer en stalactites. Peu importe ! D’après mon guide, il s’agit d’un lieu magique, incontournable, où l’idéal est d’y passer la nuit pour profiter du coucher de soleil sur les ruines. Nous déposons donc nos affaires dans une petite auberge bien sommaire mais peu chère et nous préparons pour visiter le site, quand il se met à pleuvoir des cordes. Bien, on n’a pas fait tout ce trajet pour rien, on prend notre courage à deux mains et on commence la visite. Le complexe archéologique a été découvert par des savants français au 18ème siècle lors d’une mission géodésique en Equateur pour mesurer la forme exacte de la Terre. Hmmm intéressant, elle s’arrête quand cette foutue pluie ? Le site a été construit par la tribu Cañari avant qu’arrivèrent les Incas, d’où certaines originalités dans les constructions. Hmmm, effectivement c’est tout à fait étonnant,… et j’ai désormais les pieds trempés. Le temple du soleil est bâti sur une roche au bord du ravin, avec de splendides murs de pierres s’ajustant parfaitement les unes aux autres selon la technique inca. C’est bien prodigieux en effet, si seulement je ne ressemblais pas à un épouvantail détrempé qu’on a retrouvé au bord de la route. Après avoir amicalement salué les lamas du site, Jess et moi nous précipitons dans un café. Hors de question de rester ici, c’est à peine si l’hôtel a l’eau chaude et le soi-disant majestueux couché de soleil dont parle mon guide, et bien nous l’avons dans le baba. On retourne donc vers Cuenca, congelées, affamées, bien éprouvées.

Etant donné que tous les hôtels de Cuenca affichaient complets des semaines à l’avance pour les fêtes, une amie de Guayaquil qui a sa tante et cousins a Cuenca nous avait proposé qu’on soit hébergé chez sa famille. On appelle donc nos hôtes en espérant qu’ils puissent nous héberger une nuit de plus. Le cousin, qui a notre âge, nous reçoit très aimablement. Il nous propose même de nous accompagner dans la ville les jours suivants pour nous faire visiter et nous emmener dans les endroits les plus sympas pour bien profiter des fêtes. Nous sommes ravies, encore davantage lorsqu’on a pu avoir une douche bien chaude et trois couches de couvertures et de couettes moelleuses pour dormir.

Les trois jours suivants, nous les passons donc avec Migui, Cuencanais de 20 ans et étudiant en gastronomie, passionné de cinéma et véritable connaisseur de tous les recoins de Cuenca. Nous marchons durant des heures dans toute la ville, visitant cathédrale, églises, places, maisons coloniales, musées. Une exposition d’artistes contemporains sud américains est organisée au musée d’art contemporain, je me sens alors dans mon propre petit paradis, en face à face avec l’engagement politique latino américain que je rêve de voir depuis si longtemps. On enchaine les foires artisanales, les shows d’artistes et les stands de « Colada Morada », boisson chaude et épicée de fruits rouges traditionnellement faite le jour des morts (le 02 novembre). Migui connait non seulement tous les grands lieux culturels, c’est aussi un expert gastronomique. Où aller manger un sundae mokka-caramel avec coulis de chocolat chaud maison, où déguster des tapas mexicains, où trouver des pâtisseries traditionnelles cuencanaises, où se régaler devant une soupe crémeuse à la tomate, Migui nous emmène dans les meilleurs endroits au plus grand plaisir de nos papilles qui n’en peuvent plus des assiettes de riz-poulet.

Et la nuit, on va écouter des concerts et danser sur des rythmes latino américains joués en live dans des parcs et places publics de Cuenca. L’odeur de grillades, de barbe à papa, de pralines grillées et de cigarettes se mélangent à l’envoutement musical de la foule, qui comprend tout aussi bien des équatoriens que des étrangers. Cuenca est effectivement une ville internationalisée, aussi bien au niveau touristique qu’au niveau universitaire.

Le mardi, jour d’anniversaire de l’indépendance de Cuenca, avec deux jours et deux nuits de Fiestas Cuencanas dans les jambes, on assiste au défilé militaire où se précipitent à peu près les trois quarts de la ville. Malgré la chaleur et la foule, j’ai trouvé ça très agréable d’observer le patriotisme équatorien. Le défilé comprend des militaires de l’armée de terre et de l’armée navale, des étudiants des collèges et universités militaires de Cuenca, des soldats de l’Amazonie (el Oriente) vêtus de l’uniforme traditionnel indien ainsi que des danseurs folkloriques.

Et puis après le défilé, c’est les adieux à Migui et sa famille, la course dans le terminal de bus pour acheter des billets et le retour à Guayaquil, toujours un peu déchirant. A chaque fois on quitte l’endroit visité le cœur un peu serré pour retourner à notre quotidien. Mais je pense que mes jambes fatiguées ont bien apprécié de retrouver le calme et la tranquillité de la maison, de même que mon corps qui est maintenant 100% costeño et considère qu’il fait froid si la température descend en dessous de 25°C. Dommage, moi qui comptait me la péter avec mon bronzage équatorien en revenant en juin à Paris, je commence à me rendre compte que je vais probablement porter des pulls jusqu’en août…