vendredi 16 avril 2010

TODO LO QUE QUIEREN SABER...




Je suis actuellement en train de rédiger mon rapport de stage pour Sciences Po. Encore quelque chose qui me rappelle que mon expérience équatorienne est en train de se terminer peu à peu... Et pour rendre cet exercice fastidieux un peu plus marrant, j’ai décidé de relire tout ce que j’avais écrit jusque là dans mon blog, ne serait-ce que pour faire un peu de copié-collé histoire d’accélérer la rédaction, mais aussi pour reprendre toutes mes impressions depuis le jour numéro un et écrire mon rapport le plus authentiquement possible. Et voilà que j’ai commencé à repérer dans ce que j’avais écrit certaines phrases qui me faisaient rire (ou réflechir) tellement j’avais pu changer depuis le moment où je les avais dites. J’ai donc décidé d’en reprendre quelques unes et de vous les commenter… c’est parti.



BLOG ENTRY 2 – PASO A PASO


« Arrive Papí qui rentre fermement dans la douche, écrase de son pied nu l’infâme bestiole [le cafard] et ressort en riant. Bueno… un des mes objectifs est donc d’arriver à faire ça d’ici deux mois. Avec une chaussure, faut pas déconner non plus. »

Comme j’ai pu vous le dire plus tard en parlant de la Temporada et de l’invasion de grillos, les insectes sont devenus mes potes les plus intimes. Il m’a fallu supporter non seulement les cafards et les grillos au quotidien mais aussi les faucheuses, les moustiques (mon record a été 30 piqures sur les jambes en une seule soirée… je précise que j’étais à l’intérieur de la maison…) et toutes sortes d’autres bêtes peu appétissantes.


BLOG ENTRY 3 – EL PUEBLITO TAMARINDO


« Chaque jour, il m’arrive quelque chose d’inédit : je fais, mange, essaie, vis quelque chose que je ne connaissais pas auparavant... chaque jour est une sorte de mini-aventure ici. J’arrêterai probablement de compter [les jours] quant tout ceci deviendra un peu plus routine. »


Bon c’est vrai que j’ai arrêté de compter les jours, mais quant à l’idée que les choses deviendront routine, j’attends encore… La routine est quelque chose que je n’ai jamais eu à connaitre dans ce pays… quel changement merveilleux par rapport à la vie à Paris. Il arrive tout le temps toutes sortes d’originalités, il n’y a pas un jour qui passe où je n’ai pas l’impression d’avoir fait quelque chose de nouveau ou hors du commun.




« La Señora Marlene tente de me rassurer en me disant que tous les volontaires étrangers qui sont venus faire un stage dans son ONG arrivent triste et déçus, et repartent en pleurant. Je n’étais pas convaincue. »

C’est probablement une des phrases qui me fait le plus sourire, car à l’époque je n’imaginais pas qu’il me serait possible de repartir en pleurant. Pour moi, Guayaquil était trop difficile, moche, violente, rapide et dangereuse pour obtenir ne serait-ce qu’une de mes larmes, à part celles de rage. Bien évidemment, la situation s’est complètement retournée aujourd’hui. Les larmes ont déjà commencé. Il n’y a rien de mal à ça, au contraire ; plus il y en a, plus j’aurais été heureuse ici au final…

BLOG ENTRY 6 – CUMPLIENDO EL PRIMER MES

« J’ai l’habitude que l’épicière, le gérant du cybercafé, le chauffeur de taxi, la réceptionniste de l’école de salsa, le passant dans la rue à qui je demande des directions m’appellent tous « mi amor », « mi vida », « niña », « mi cielo »… »


Et je le fais aussi maintenant !


BLOG ENTRY 7 (non publié)

Voici ici un extrait d’article que j’avais écrit en octobre, au comble de mon angoisse dans ce pays, et que j’ai décidé après coup de ne pas publier. Je l’ai trouvé trop fort, quoiqu’il reflétait bien mon état d’esprit au moment de l’écrire. Je l’ai toutefois gardé, et j’ai eu envie d’en publier un morceau, à présent que j’ai plusieurs mois de recul dessus. Je vous laisse penser ce qu’il y a à penser dessus.

[…] Alors pour faire le vide et respirer un peu, j’ai décidé de tout nettoyer. J’ai commencé par mon armoire, si je peux appeler la barre accrochée au mur et les cartons posés sur le sol pour ranger mes vêtements une armoire. J’ai mis de l’ordre dans mes valises et ma table de nuit. J’ai fait mon lit, j’ai ouvert les fenêtres. Et enfin, j’ai nettoyé le sol avec un balai et du produit jusqu’à ce que ça scintille. Parce que j’en ai marre tous les matins de récolter des amas de crasse dès que je pose le pied nu par terre en sortant de mon lit. J’en ai marre de plein de choses pour tout vous dire. J’en ai marre d’avoir l’impression de fondre sur le trottoir dès que je mets mon nez dehors tellement il fait chaud. J’en ai marre des foutus conducteurs qui klaxonnent à tout bout de champs et qui me foncent dessus. J’en ai marre de me faire pousser dans le bus par des bonnes femmes qui pèsent 150 kilos et veulent atteindre coute que coute la place assise qui vient de se libérer. Quand on est poli, on dit « permiso » connasse. J’en ai marre des types qui me draguent en susurrant « mi amor» quand je marche dans la rue. J’ai envie de leur répondre « si tu continues jte castre », mais j’oubliais, je n’ai pas le droit ; parce qu’on m’a avertie qu’il fallait que j’évite de parler dans la rue pour que les gens ne sachent pas que je suis étrangère. Ca aussi j’en ai marre. J’ai plein de choses à dire moi, alors déjà que je ne sais pas bien les dire en espagnol, si en plus il faut que je me taise tout court. J’en ai marre de ne pas me sentir en sécurité, de toujours devoir être alerte, d’avoir le cœur qui bâte fort dès que je vois quelqu’un marcher un peu trop près de moi dans la rue. Marre de ne pas pouvoir faire confiance à qui que ce soit. Marre de devoir attendre qu’arrive ma nouvelle carte bancaire parce qu’on m’a volé la mienne avec un flingue la première semaine. Marre de voir tous les soirs aux infos des histoires de meurtre, de vols, d’agression. Hier j’apprends qu’une vulcanologue française, Charlotte Mazoyer, a été tuée à Quito il y a deux semaines. J’ai les jambes qui flageolent en l’apprenant, parce que tous les jours je me sens de plus en plus vulnérable. Quand est-ce qu’elle se termine cette mise à l’épreuve permanente, que je puisse commencer à profiter un peu ?

[…]D’accord, l’Equateur et moi on est parti du mauvais pied, mais aujourd’hui j’ai décidé de faire tabla rasa, j’ai enlevé la saleté, la poussière et le toxique. Evidemment on aura d’autres altercations. Mais au moins le terrain est propice pour recommencer à zéro. Je n’ai pas le droit d’abandonner, ce serait laisser vaincre sa brutalité, ce serait ne pas apprendre de tous ceux qui passent par bien pire que moi ici et se relèvent en gardant espoir. Et puis je n’ai pas encore atteint ma limite avec lui, il va voir de quoi je suis faite. »



BLOG ENTRY 8 – VIAJE CHEVERISIMO

« Choisir entre le petit diable de mon épaule gauche qui me dit de ne pas mettre un terme à mon ivresse et le petit ange de mon épaule droite qui me dit de prendre le bus pour Guayaquil, quel dilemme. »



J’ai souvent parlé de cette difficulté constante que j’avais quand je voyageais quelque part. Je me perds dans un nouveau lieu, rencontre des gens formidables, fais des choses que je n’avais jamais faites, et au final je ne veux qu’une seule chose : continuer mon petit chemin de voyageuse et ne plus rentrer. Le pire aura probablement été la difficulté que j’ai eu à rentrer de mon voyage au Pérou et en Bolivie, et le conflit que ça a créé avec ma copine de voyage à ce moment là. Ironie dans cette histoire, je ne semble pas apprendre de tout ça. La preuve, je lutte aujourd’hui contre le petit diable de mon épaule gauche qui me dit de rester en Equateur…


BLOG ENTRY 11 – « DE FRANCIA ?? EN SERIO ?? WOOOOOOW….. !! »

« Dans tout ça, je pense que vous avez compris que je me complais quand même pas mal dans ce rôle de la petite volontaire française qui vient de Paris, qui aime boire beaucoup de café noir sans sucre sans lait, qui demande un verre de vin à chaque fois qu’on va dans un bar alors que tout le monde demande une bière, qui préfère porter du bleu marine et du noir que des vêtements super flashy et moulants, ne sait pas bouger ses hanches comme les autres Latinas et fait bien attention à ce qu’elle mange. J’ai beau essayer de me fondre dans le moule équatorien sur certains points comme le fait d’arriver avec une heure de retard à tous les rendez-vous ou essayer de prendre l’accent équatorien, les autres points que je viens de citer restent inflexibles. »


Je n’irai pas jusqu’à dire que je prends mon café avec du sucre (blasphème), mais il faut savoir que je me suis quand même beaucoup assouplie sur ce qui faisait my frenchness. En décembre, une amie m’a dit que c’était regrettable que je fasse toujours des comparaisons avec la France. Ca ne sert à rien de comparer les deux pays, m’a-t-elle dit, tu n’es pas venue en Equateur pour vivre comme en France. J’ai décidé à ce moment là de me laisser adoucir par cette nouvelle culture, devenue aujourd’hui ma culture… Aujourd’hui, on me dit que je parle comme les Guayacos, danse comme eux, fais les mêmes blagues qu’eux, que je suis beaucoup moins stressée et rigide qu’à mon arrivée, que j’ai été « équatorianisée » quoi…


BLOG ENTRY 20 – QUE EL MEDIO NO ME DETENGA

« Peut être que je serai élue, peut être que non, quelque soit le résultat je saurai voir les belles opportunités derrière. »

Et bien j’ai été élue...Quel grand moment de bonheur lorsque, en direct sur skype, je les entends annoncer que je suis la prochaine présidente d’AIESEC Sciences Po pour l’année 2010-2011. Les équatoriens débarquent chez moi vers 20 heures alors que je viens de terminer de régurgiter le reste de mon stress et de mes émotions (et oui…) et me font la surprise d’un baptême digne de l’AIESEC en Amérique Latine : le baptême de bière.






lundi 5 avril 2010

Que el miedo no me detenga



Avec sept mois à mon actif en Equateur, le temps est venu de commencer à penser à ce que cette expérience m’a apporté le plus. C’est vrai que je n’ai fait que réfléchir à ça depuis le début, mais tout d’un coup je ressens le poids et la pression de mes derniers mois ici comme jamais. Tout d’un coup, j’ai l’impression que mon année est terminée et que je n’ai encore rien fait, rien vécu et rien vu par rapport à tout ce que j’aimerais faire. Tant d’endroits à visiter que je ne verrai probablement pas, tant de personnes que je voudrais connaitre davantage que je ne fréquenterai certainement pas, tant de projets que j’aimerais commencer et que je ne mènerai pas à bout.

La semaine dernière, j’ai été amenée à terminer un certain nombre de procédures en vue de mon retour en France, entre autres mon dossier de master et ma candidature à la présidence de l’association AIESEC à Sciences Po. Il s’agit de projets qui me tiennent évidemment beaucoup à cœur, mais c’est avec le poids de tous ces sentiments vis-à-vis de mon départ d’Equateur que j’ai du les réaliser. Comment expliquer à Sciences Po ma motivation envers tel master alors que je n’ai plus envie de rentrer en France étudier ? Comment argumenter ma candidature à AIESEC quand je voudrais rester trois mois de plus en Equateur au lieu de rentrer en juin pour commencer le mandat ? Et plus je dois planifier dans les détails chaque projet, plus je me vois m’éloigner de ma vie à Guayaquil et revenir à mon quotidien français. Je passe la semaine stressée et chagrinée, je repousse l’envoi de mes candidatures au lendemain, je parle en panique avec différentes personnes en Equateur et en France de ce que je ressens. Je dois prendre une décision : candidater pour l’AIESEC et rentrer en France à la date prévue, ou abandonner cette opportunité professionnelle et académique immense pour rester trois mois de plus en Equateur. Il y a ce que me dicte la raison, et ce que veut mon cœur. Il y a d’un côté un nouveau projet pour l’année prochaine qui pourrait très certainement me changer la vie, et de l’autre la poursuite de la folie équatorienne qui m’anime depuis sept mois. Je me souviens de quand j’avais quitté la France en août, tous me disaient « amuse-toi bien, mais surtout ne nous fait pas le coup de rester indéfiniment là bas ». Et voilà que maintenant j’ai bien envie de le faire ce coup là…



Rassurez-vous, je ne suis pas sur le point de vous annoncer que je vais fonder une famille ici ou que je change ma nationalité pour vivre en Amazonie. Simplement je me rends compte du (gros) chemin que j’ai parcouru depuis mon arrivée ici, et à quel point mes sentiments pour ce pays sont devenus forts. C’est devenu mon deuxième «chez moi», et je me sens tellement proche de cette culture que mes amis me disent tous que je suis devenue Equatorienne, ou Ecua-French selon ce que vous préférez.



Alors j’en étais à ce que je vais certainement retenir le plus de cette expérience. Sans aucun doute, c’est de ne pas me laisser guider par la peur. Avant de venir en Equateur, quelqu’un m’a dit qu’une personne courageuse n’est pas quelqu’un qui n’a jamais peur, c’est quelqu’un qui fait les choses en dépit de sa peur. Cette phrase m’a beaucoup aidé durant mon année ici. L’Equateur m’a appris à vivre chaque jour au maximum de son potentiel, à donner tout ce que j’ai aux personnes qui m’entourent, à regarder tout ce que j’ai et être reconnaissante plutôt que de regarder ce que je n’ai pas et toujours vouloir plus, à danser jusqu’à cinq heures du matin sans me soucier de la tête que j’aurai le lendemain au travail, à décider spontanément de partir à l’autre bout du pays le temps d’un weekend, à faire confiance en ce que me réserve mon expérience et à tirer tout le positif des opportunités qui se présentent à moi. En bref donc, à ne pas laisser la peur ou l’angoisse me retenir en arrière.



J’ai eu peur de venir dans un pays que je ne connaissais pas, mais j’y suis finalement allée. J’ai ensuite eu peur d’y rester, et malgré toutes mes hésitations, j’ai décidé de lui donner une chance. Aujourd’hui j’ai peur de rentrer en France, mais l’Equateur m’a appris qu’il y a toujours de belles choses qui se présentent si je fais confiance et m’ouvre au risque et à l’inconnu. J’ai donc terminé et envoyé mon dossier de master pour continuer les études en septembre, et je présente bel et bien ma candidature pour être présidente de l’AIESEC à Sciences Po. Peut être que je serai élue, peut être que non, quelque soit le résultat je saurai voir les belles opportunités derrière. Entre temps, il me reste deux mois à vivre pleinement ici. Et pour le fêter, je suis retournée à Baños avec des amis pour tenter un nouveau saut. La tête la première.