vendredi 15 janvier 2010

LA TEMPORADA

Je n’ai pas réussi à trouver de traduction littérale pour ce terme. La Temporada désigne la période de janvier-février en Equateur où le climat se fait plus capricieux et les plages se remplissent de vacanciers. Tandis que les températures descendent en dessous de zéro en France et que le pays se couvre de neige, en Equateur la chaleur devient insupportablement humide et des flots de pluies s’abattent tous les jours, entrainant inondations, flaques de boues ainsi que l’impossibilité de laver et d’étendre son linge dehors. C’est aussi la période des vacances « d’été ». Durant ces deux mois, Guayaquil se vide de ses habitants. Destination principale : les plages de la côte. Salinas, Playas Villamil, San Pablo, Manta, et Montañita. On s’entasse à dix dans des petites voitures quasi prêtes à rendre l’âme, on passe la journée sur une plage tropicale, vers 17h on mange un bon « ceviche » de poisson ou de crevettes, tandis qu’en soirée la plage s’anime de fêtes et de feux de bois. Voilà les vacances à l’équatorienne.

Avec la Temporada arrivent aussi des invités dont, personnellement, je me passerai bien : les grillos, sorte de mi-crickets mi-cafards qui marchent, courent, volent, sautent et envahissent l’espace. J’ai beau fermer toutes les portes et fenêtres de la maison, ces animaux abjects se faufilent par tous les petits recoins, me donnant des sueurs froides chaque fois que j’en entends un sauter derrière les meubles. Comment faire dans ces cas là ?

· Option numéro 1 : filer passer la Temporada dans les Andes où il fait frais et où le seul animal que je risque de rencontrer est le lama…

· Option numéro 2 : courageusement affronter ma peur en tant qu’adulte rationnelle qui ne se laissera pas gâcher la vie par des êtres mille fois plus petits qu’elle…

J’ai décidé de faire moite-moite. Après tout, quel meilleur moment que la Temporada pour prendre mon sac à dos d’aventurière et enfin descendre au Pérou ? D’un autre côté, je ne peux pas me défiler pendant deux mois, et une fois mon voyage terminé, il va bien falloir que je supporte ces méprisables grillos jusqu’à ce que terminent les pluies. Je prends donc mon courage à deux mains et décrète devant mes amis – qui s’amusent quant à eux à les prendre à la main et les balancer contre les murs pour les tuer – qu’il faut que j’entreprenne une thérapie du grillo ASAP. Enthousiasmés par ma résolution, mes amis ont pris très à cœur de m’aider à dépasser ma phobie. La « thérapie » a donc consisté à aller dans la rue pour m’entrainer à ramasser le grillo à la main, non pour apprendre à le tuer mais plutôt à l’aimer.

Je souffre, je ris, je crie, je sautille, j’ai l’impression qu’ils sont tous sur moi, j’en viens presque à pleurer de nervosité. Mais ces bons équatoriens, dans une volonté sincère de m’aider à ne plus avoir peur, patientent quarante cinq minutes avant que je veuille bien enfin accepter de m’en faire passer un dans les mains. Et là, quelque chose d’infiniment miraculeux se produit, l’animal se tient tranquille entre mes paumes, et moi je ne crie pas. Hmmm, c’est pas si désagréable que ça. Je le laisse grimper un peu sur mon bras avant de l’attraper par les pattes et l’observer de près. Je repense à ma frousse inexplicable des faucheuses que j’ai eue toute ma vie qui m’entrainait en état de panique à supplier le premier homme en vue d’avoir la compassion de les écraser. Aujourd’hui je salue amicalement les faucheuses qui se trouvent dans ma salle de bains en me douchant le matin. Quant aux cafards que j’évoquais au début de mon arrivée en Equateur, je les ai domptés de la savate tel un maître. Tandis qu’il y a donc ceux qui partent à l’étranger en quête d’évolution spirituelle ou de réflexion personnelle, moi de mon côté je suis en Equateur en quête d’acceptation des insectes nos amis. C’est mon frère qui sera fier, lui qui a tant été témoin de mes crises de paniques à cause des… moucherons.

Bon on ne va pas non plus dire que c’est l’amour fou entre moi et les grillos. Si j’en vois un dans ma chambre, en règle générale il ne fait pas long feu. Mais je suis sur le chemin de la tolérance, c’est l’essentiel non ?

lundi 4 janvier 2010

FELIZ ANO NUEVO...



Nous sommes le 1er janvier 2010, et je me trouve quelque part entre les eaux chaudes du Moyen Orient et la côte tropicale d’Equateur, en escale sur le sol français, aéroport Paris Charles de Gaulle, et il est 6h30 du mat. Tandis que mes amis français terminent de fêter le réveillon où sont en train de décuver quelque part dans une salle de bain, ceux d’Equateur viennent à peine de se souhaiter la bonne année sur la plage. De mon côté, les 30 heures de voyage en avion entre Abu Dhabi et Guayaquil me donnent non seulement le plaisir de fêter l’entrée en 2010 une dizaine de fois, elles me laissent aussi beaucoup de temps mort pour philosopher sur la vida, me demander si ça vaut la peine de prendre des bonnes résolutions cette année, calmer mon angoisse de l’arrivée de la saison des pluies en Equateur (et avec, l’arrivée des criquets qui envahissent les maisons par centaines), penser à ce que je vais faire pendant les cinq mois de stage qui me restent, ou bien simplement observer avec dédain la gâtée pourrie qui mange son pain en chocolat en courrant dans le terminal malgré les indications de sa mère américaine qui lui demande de «sweety, please sit on your tushy». Et bien évidemment d’écrire un peu dans ce blog, que j’entretiens si mal ces derniers temps, pour dire que je pense à chacun d’entre vous en cette période de nouvelle année.


La superstition dit que la manière dont on passe le réveillon reflète comment nous allons passer le reste de l’année. On peut dire que ça dépend du point de vue de chacun. Si vous avez terminé votre réveillon dans une flaque de vomi, il vaudrait mieux ne pas trop prendre au sérieux cet adage. Moi de mon côté, pour me consoler d’avoir passé le réveillon dans les airs avec des inconnus et leurs gamins monstres qui donnaient des coups de pied dans mon siège, je me dis que c’est probablement signe que 2010 sera toute aussi riche en voyage et expériences du monde que les années précédentes.

Côté bonnes résolutions, après des années de résolutions ambitieuses types « réussir le concours sciences po » ou « voyager dans au moins cinq endroits que je ne connais pas par an », j’ai décidé cette année de m’en tenir à une, et une seule : être reconnaissante. Je mets de côté l’humour noir et les blagues sarcastiques habituelles pour un moment, je veux simplement exprimer en toute sincérité ma gratitude. Je n’ai jamais autant trouvé belle la simplicité du mot « merci » qu’en ce moment. Cette année, plus que tout je veux prendre le temps de remercier plutôt que de demander toujours plus.

Quelqu’un d’Equateur m’a dit il n’y a pas tres longtemps que trop de personnes se trompent en pensant que le bonheur se projette dans le futur. Je serai heureux « une fois que… ». Une fois que je serai à Sciences Po, une fois que je serai en Amérique Latine, une fois que j’aurai été acceptée dans le Master que je veux faire, une fois que j’aurai accompli ceci ou cela. On se trompe en oubliant que le bonheur est un état du présent, et à trop penser qu’on l’obtiendra dans le futur, une fois tel projet accompli, une fois telle tâche réussie, on ne le vit jamais réellement. Ma vie est faite de résolutions, de projets. C’est mon moteur, et j’aime réellement avancer comme ça. Mais aujourd’hui, je décide simplement de dire merci pour cette belle vie que j’ai à seulement l’âge de 20 ans.


Merci pour ma famille merveilleuse qui, malgré le fait que l’on soit séparé dans différents endroits du monde, réussit à se retrouver tout aussi naturellement que si nous nous étions séparés seulement vingt minutes. Merci pour cette belle expérience que je suis en train de vivre, merci pour tous les gens que j’y croise et qui l’enrichissent chacun au centuple. Merci pour tout ce que je suis en train d’apprendre, et en premier lieu l’humilité dont je manquais. Merci parce que j’ai des opportunités dans ma vie, alors que je vois tous les jours des personnes pour qui ce mot est étranger. Merci pour le gain en spiritualité que m’apportent mes amis ici et les membres de ma famille équatorienne, je commençais à devenir cynique. Merci parce que j’ai des amis et de la famille en France qui apprécient tout autant à quel point cette expérience est superbe et gardent le contact malgré la distance et le temps. Merci parce que ma vie est tout ce que je voudrais qu’elle soit en ce moment. C’est un véritable luxe de pouvoir dire ça.


Bonne année 2010 à tous !