jeudi 18 février 2010

CARNAVAL



Mi-février, c’est la période de carnaval un peu partout en Amérique Latine. Les plus connus sont celui de Rio et de Bahía au Brésil et celui de Baranquilla en Colombie. Mais ils ne sont pas les seuls à faire la fête. En Equateur, les quatre jours de Carnaval (du 13 au 16 février) mettent tout le pays en arrêt. On me prévient, Carnaval est la période la plus folle de l’année. Je ne sais pas trop en quoi ça consiste, mais j’allais vite comprendre.

Avec quelques amis on décide d’aller passer Carnaval sur les plages au nord de Manta (Canoa et San Clemente). Mais pas de n’importe quelle manière : en mode al dedo (voyager en stop) et camping sur la plage. Bon en Europe, comme cela coûte toujours très cher dès qu’on veut se déplacer ne serait-ce que deux kilomètres, que ce soit en voiture, train, avion, tricycle, le stop est un moyen de faire de vraies économies. En Equateur, pour les quelques 10 dollars qu’on a du économiser, c’est plus pour l’aventure qu’on l’a fait. C’est assez facile car beaucoup de familles voyagent en camionnette et peuvent nous prendre à l’arrière, et on passe toujours de très bons moments. Surtout quand on se retrouve à l’arrière d’un camion qui transporte des motocross et des fruits ou qu’on est en train d’attendre sous la pluie en compagnie des moustiques. Forcément, ça rapproche les gens.





Mes amis sont très formels sur une règle me concernant : c’est à moi d’arrêter les camionnettes. Camille, c’est à toi de jouer. Camille ne va pas faire pipi maintenant, il y a une camionnette qui arrive et il faut que tu l’arrêtes. «Francesa », on t’a dit de te mettre devant tout le monde pour arrêter les voitures, et montre un peu de jambe si tu peux. J’ai bien cru qu’ils allaient me mettre un panneau «française» autour du cou en pensant que ça allait peut être nous aider. Bon allé, un pour tous et tous pour un non?

L’autre règle de carnaval, c’est qu’il y a très peu de règles. C’est tout et n’importe quoi. Et avant tout, le droit de jeter à peu près tout ce qu’on veut sur les passants. Les batailles d’œufs et de farine qu’on se fait à la sortie du lycée en France ne sont rien à côté de ce que l’on vous jette en Equateur. Je me prends des bassines entières d’eau de mer (avec les algues), des œufs dans les cheveux, des jets de mousse toutes les cinq minutes, de la boue, de la bière, du whisky. C’est un peu la fête du «tout-est-permis». Bref, je ne passe pas une seule minute entièrement sèche ou propre des quatre jours.

Il faut évidemment le prendre avec bonne humeur et prendre plaisir à riposter. Et oui je viens de me laver, je suis enfin propre et je sens bon, c’est bien con de me faire verser un litre de bière sur la tête à peine un quart d’heure plus tard. Il faut s’y attendre. Tous les équatoriens sortent dans la rue avec leurs munitions durant les quatre jours de carnaval et s’amusent à se lancer toutes sortes de choses. J’en ai vu se faire trainer dans la boue par leurs amis.



Et franchement, ça fait du bien de pouvoir se permettre d’être aussi crade. On se sent un peu comme quand on était enfant et qu’il nous était permis de se trainer dans le sable ou de se renverser de la glace sur le t-shirt. De toute manière, il est impossible de ne pas se salir. Les rues de Canoa, et encore plus de San Clemente, sont boueuses et glissantes à force de toutes les batailles d’eau qu’elles voient, le camping sur la plage nous ramène du sable à peu près partout, et on a beau courir pour éviter de se prendre ce maudit jet de jus de pastèque qui colle et tâche, il y aura forcément quelqu’un d’autre vingt mètres plus loin pour nous lancer je ne sais quelle horreur bien gluante.

San Clemente est très petit, pourtant je n’ai jamais vu d’endroit aussi bondé et sale de toute ma vie. Ca devait être probablement pire que Woodstock 69. Le soir, certaines parties sont tellement chargées de gens qu’on se croirait dans la fosse d’un concert de Metallica. On glisse dans la boue, on tombe dans des flaques d’eau, on a de la crasse qui nous monte jusqu’aux genoux. Dans les rues, les gens marchent dans toutes les directions en files bien serrées; on n’a à peine d’espace pour poser les pieds et le plus souvent, on se marche les uns sur les autres. Avec mes amis, on se met en queue-le-le et on s’amuse à faire des allers-retours dans ces passages étroits bondés de fêtards qui nous jettent de la bière. Et nous, on rétorque avec des bombes à mousse.



Les quatre jours ne sont que playa, folie et fiesta 24 heures sur 24 : tout le monde danse dans la rue et sur les plages à n’importe quelle heure de la journée, la bière coule à flots, on se fait des séries en boucle de «Tonight’s gonna be a good night» des Black Eyed Peas et à partir de deux heures du matin, on se pose autour d’un feu sur la plage jusqu’à l’aurore. C’est assez incroyable comme expérience ces fêtes de Carnaval, de loin les meilleures parmi toutes celles que j’ai pu connaître en Equateur, mais j’ose dire qu’une fois par an doit bien suffire. Maintenant si vous voulez bien, je me mets en ermitage pendant un mois histoire de récupérer.

mercredi 10 février 2010

CRONICAS BOLIVIANAS

Suite des cronicas peruanas... aprés le Perou, la Bolivie...


Avant de parler du pays même, parlons frontière. Nous arrivons sur les coups de six heures du matin à Desaguadero, ville frontière de passage entre le Pérou et la Bolivie. Ce que les Boliviens appellent une frontière de migration, moi j’appelle ça un bordel crotté humano-animal. Quatre heures de queue au milieu du marché de Desaguadero, où tout un chacun t’interpelle, veut te vendre un morceau de porc ou un CD piraté de danse cumbia, tandis que des mecs louches te proposent de s’occuper de tous tes papiers de migration pour quelques dollars. Evidemment, ne pas faire confiance à ces derniers, ils ne cherchent qu’à vous voler votre passeport. J’ai en plus la fortune de connaitre le record des chiottes les plus crasseux d’Amérique Latine, une sorte de grosse marmite reliée par je ne sais quel miracle à une plomberie semi-sous-terraine au milieu d’une flaque de boue et entouré de quatre murs en carton. Ne me demandez pas comment se tire la chasse, j’ai beau eu la chercher, je ne l’ai jamais trouvée…

Si un jour vous avez donc cette grande chance de traverser par voie routière la frontière bolivienne, suivez le mode d’emploi suivant : bien écouter les directions préalables que vous aura donné le chauffeur de bus, descendre du bus avec toutes vos affaires, aller le plus vite possible vous mettre dans la queue de migration, traverser la frontière à pied et rejoindre le bus qui vous attend de l’autre côté.

NE PAS FAIRE le suivant :

· Prendre dix minutes à descendre du bus parce que vous cherchez une nectarine au fond de votre sac

· Vous perdre dans le marché de Desaguadero

· Ne pas vous renseigner sur les obligations de visa en Bolivie avant votre voyage

Dans ma défense, ma seule erreur à moi a été de me perdre accidentellement dans le marché, à la recherche d’un vendeur de jus de fruit. Jessica était coupable des deux autres erreurs. J’étais évidemment furieuse qu’elle prenne son temps à descendre du bus, stressée à l’idée d’être dans les derniers à faire la queue et que le bus nous oublie, ce qui n’est pas inconcevable en Amérique du Sud. Mais la cerise sur la crème chantilly du gâteau, c’est les agents de migration boliviens qui crachent à la face de Jessica « Americana ? 135 dólares por favor ». Puis regardant mon passeport, « Aaaa Francia! Bienvenida a Bolivia mi amor! ». Jessica a le regard tellement noir de fureur qu’on dirait qu’elle a des couteaux qui lui sortent des yeux. S’ensuit un débat de quinze minutes sur la politique américaine vis-à-vis de la Bolivie et des vicissitudes de la diplomatie qui l’obligent à payer un visa de 135 dollars pour séjourner 5 jours dans le pays. De mon côté, je suis à deux doigts de me donner une crise cardiaque en courant plusieurs aller-retour entre le poste de migration et le bus qui se trouve 500m plus loin pour les supplier de bien vouloir nous attendre, tandis que Jessica remplit une dizaine de formulaires et manque de massacrer l’agent quand il refuse ses dollars parce qu’ils sont un peu déchirés.

Tout finit bien. Jessica entre en Bolivie après avoir payé à contre cœur son visa et exprimé ses vues sur les lois de migration boliviennes. Le chauffeur de bus non seulement nous attend, il prend une heure de plus pour aller faire une sieste. Dans la foulée, on fait connaissance avec Mike, américain qui, lui, avait eu l’intelligence de se renseigner sur les visas, mais reste solidairement avec Jessica durant tout le long de la procédure de migration. Nous sommes tellement reconnaissantes qu’il ait risqué de rester abandonné par le bus à la frontière avec nous que nous lui proposons de passer la journée avec nous à La Paz, si tant est qu’on y arrive en un seul morceau…


Etape n°5 – LA PAZ. J’appréhende un peu les deux jours de séjour à La Paz, pour deux raisons principalement.

· Primero, j’ai peur que la ville soit un peu dangereuse. Me baladant avec mon passeport, ma carte de crédit, mon appareil photo et 8 autres kilos d’affaires qui, du moins à MES yeux, sont des affaires importantes, je n’ai pas trop envie d’attirer l’attention.

· Segundo, je n’ai aucune idée de ce qu’il y a à foutre à La Paz. C’est vrai qu’on y va un peu au hasard sans trop s’être renseignées sur la ville.

Mais une fois de plus, le valeureux Mike vient à notre secours. Un ami lui a réservé une chambre dans un quartier où se trouvent de nombreux autres hôtels pour backpackers, tout près du centre. Son hostal est complet, mais quelques blocs plus loin, Jessica et moi trouvons une petite merveille pour voyageurs : le Hostal Loki.

Cette auberge de jeunesse pour voyageurs est présente à La Paz en Bolivie, et à Cuzco, Lima et Mancora au Pérou. Pour seulement 7 dollars par jour, on a un lit dans une chambre-dortoire de 6, une salle de bain avec eau chaude, accès gratuit à internet, petit-dej compris, accès à une petite bibliothèque, un bar-restaurant, et une ambiance internationale absolument géniale. Le Hostal grouille de voyageurs de toute part, il est impossible de ne pas y rencontrer du monde. De toute manière, il leur suffisait de me dire qu’il y avait l’eau chaude courante pour me convaincre, mais j’avoue que cet hostal était vraiment au-delà de toute espérance.

On passe l’après-midi avec Mike au « Mercado de Brujas » (marché des sorcières), où je trouve des pulls à 5 dollars, des pantalons à 6 dollars, des gants, écharpes et bijoux à prix dérisoires. La Bolivie est un pays bon pour la santé budgétaire. Et contrairement à ce que je pensais, l’endroit de la ville où nous nous trouvons est très tranquille.

Le soir même, je jouis de ma première douche chaude en quatre jours. Faisons tout de suite le paragraphe « Hygiène de voyage pour les nuls ». Evidemment, en bon backpacker, lorsqu’on voyage sur petit budget, il ne faut pas trop faire la chochotte et être prêt à faire quelques sacrifices sur l’hygiène. Je vous fais part des techniques de Jessica, pro de la « douche française », pour qui il était amplement suffisant de se laver le visage avec de l’eau, se passer une calinette et parfumer ses vêtements de Febreze. La plupart du temps, lorsqu’on voyage de nuit et que le seul moment qu’on peut consacrer à l’hygiène est dix minutes avant le départ du bus dans les toilettes du terminal, c’est l’unique solution. Ne pas oublier de toujours avoir sur soi ses calinettes et son déodorant, c’est très pratique. Bon toujours est il que dès qu’on a l’occasion d’une vraie douche chaude, on en profite pour se refaire une petite beauté féminine. Le look Yeti puant m’allait pourtant si bien…

Les heures d'attente dans les stations de bus sans douche ni bouffe et par un froid de canard...


Après cette divine toilette, nous décidons de tester la vie nocturne de La Paz. Si vous restez dans un Hostal Loki, je vous conseille de passer une petite heure au bar pour faire connaissance avec des gens. Mike, Jessica et moi rencontrons des australiens avec qui nous sortons au bar « Mongo’s ». La routine du voyageur fêtard de La Paz, je l’apprends par une australienne bien rodée, est de « commencer » la nuit chez Mongo’s jusqu’à trois heures du mat, est ensuite de passer le reste de la soirée chez « Blue » où on peut trouver de la cocaïne pour pas cher. « Aaa bon ? » dis-je l’air intéressée. Hmmm, merci meuf, c’est vraiment sympa mais t’en fais pas, j’ai mon stock de feuilles de coca. Tandis qu’à trois heures pétantes, nos amis s’en vont au « Blue », Jessica, Mike et moi repartons tels trois petits vieux au Loki. Si quelqu’un croit qu’il va me priver d’au moins cinq bonnes heures de sommeil dans un vrai lit avec une couette, il peut toujours se gratter ses fesses de lama. Ce sera peut être la seule nuit reposante que j’aurai en deux semaines.

Etape n°6 – Salar de Uyuni

La Paz a été tout le contraire de ce que j’attendais. Animée, touristique, historique, politique. Elle est aussi bien entendu, comme toute la Bolivie, imprégnée d’une pauvreté très visible et mendiante qui m’a fendue le cœur plus que nulle part ailleurs. Nous y sommes essentiellement restées pour trainailler dans les marchés, nous reposer et sociabiliser. Par flemme, nous sommes malheureusement passées à côté de la Vallée de la Lune qui est un des lieux naturels incontournables de La Paz.

Mais les merveilles naturelles, nous les avons gardées pour le sud-ouest de la Bolivie. Le 23 au soir, nous partons en bus pour Uyuni, petit village au bord du plus grand désert de sel au monde, le Salar de Uyuni. Depuis Uyuni, il est possible de rencontrer une agence de tourisme (il y en a au moins une vingtaine) qui propose des tours de 1 à 5 jours dans le sud-ouest de la Bolivie à travers les différents déserts et lagunes de la région. Nous partons donc le 24 au matin pour un tour de trois jours avec un guide bolivien prénommé Rodrigo et – oulala – un groupe de cinq brésiliens.

Au programme : le cimetière de trains où viennent s’échouer les vieux trains hors service de Bolivie, le Salar de Uyuni, la Isla del Pescado – véritable île de cactus et d’oiseaux sauvage au milieu de nulle part, la Laguna Verde et la Laguna Colorado, les geysers et sources de souffre, ainsi que des gorges, canyons et formations rocheuses impressionnantes.

Cette étape a de loin était l’expérience que j’ai préférée durant tout le voyage. Nous étions isolés de tout, abandonnés à la nature dans une région grande comme la moitié de la France et plus heureux que jamais. Notre guide nous explique que nous nous trouvons dans une partie de la Bolivie qui était autrefois une mer, ce qui explique qu’elle ait gardée de telles formations naturelles. Rodrigo est discret, mais quand on l’invite à venir dans les photos avec nous ou à partager la bouteille de vin qu’on s’est achetés le soir, il devient tout de suite très souriant et bavard. Lorsque je lui tends la bouteille de vin, il me demande de l’excuser et en verse volontairement au sol. La française en moi voit ce geste comme un affront, mais Rodrigo explique que c’est une coutume bolivienne de toujours redonner un peu à la « Pacha Mama », la mère nature. J’en reste très émue. Je n’ai jamais vu un endroit aussi préservé des agressions du monde moderne, aussi beau et paisible, autant en communion avec la nature. En vérité, il n’y a quasiment rien ni personne dans l’espace ou nous circulons. Seulement les 4x4, la cinquantaine de touristes qui comme nous font un tour de plusieurs jours et quelques refuges. Le reste constitue en des étendues de désert, de roches, de plantes et par-ci par-là, des animaux que paraissent n’avoir jamais rien vu d’autre que ce merveilleux environnement.

Là encore, niveau hygiène, il ne faut pas trop en exiger. Une seule salle de bain pour tout un refuge, souvent ni eau chaude ni papier toilette (CONSEIL : lorsque vous voyagez en Amérique Latine, pensez à toujours avoir votre propre rouleau de papier toilette avec vous car la plupart des WC n’en fournissent pas). J’en viens à devoir laver mes vêtements au milieu du désert par 4°C le premier soir dans une bassine. Et oui, c’est ça l’aventure, et on garde le sourire hein.

Trois jours très intenses passent à une vitesse hallucinante. J’ai les oreilles qui résonnent des chansons brésiliennes que nous mettaient nos Brésiliens dans la voiture et des conversations en portugais auxquelles je ne comprenais rien. C’était bien magique comme endroit. Vient la dernière belle étape de notre voyage, le Lac Titicaca qu’on attend avec la même impatience que les autres étapes précédentes.

Etape n°7 – Copacabana & Lac Titicaca

Nous arrivons à Copacabana, petit village au bord du Lac Titicaca – côté bolivien – dans la journée du 27 janvier, jour d’anniversaire de Jessica. Elle racontera plus tard le jour de ses 24 ans comme le jour où s’est collée une belle turista. La pauvre Jessica est malade durant tout le trajet de bus, ce que je ne vous souhaite jamais. Arrivées à Copacabana, on est enchantées par cette minuscule petite ville à taille humaine remplies de marchés de rue et d’artisanat (pour changer…). On se trouve un petit hôtel sympa, avec pour seul défaut qu’il faut prévenir le propriétaire quand nous voulons prendre une douche ou nous laver les dents pour qu’il active l’eau courante. Mais on est désormais habituées à ce genre de petit obstacle, ça ne devient même plus un facteur. Nous dégustons un café dans un petit endroit zen qui s’appelle « The Eagle and the Condor » en fin d’après-midi. On sort fêter l’anniversaire de Jessica le soir au bar « Nemo’s », qui est plus ou moins l’unique bar ouvert tard à Copacabana. Ce soir là, nous avons la chance d’avoir un groupe live de salsa, ce qui tombe bien, Jessica est une passionnée de salsa. Je leur demande de dédicacer une chanson à ma merveilleuse copine de voyage, et en bons sud américains, ils en dédicacent une demi-douzaine. On danse et tous les gens du bar viennent souhaiter un joyeux anniversaire à Jessica, ravie de voir bien tourner cette journée d’anniversaire qui avait commencé douloureusement.

Feliz Cumpleaños Jess!!

Le lendemain, on doit se rendre sur la plage à 8h pour prendre un bateau pour la Isla del Sol sur le Lac Titicaca (nous avions réservé nos places la veille). Le lac est encore couvert de brouillard, mais à partir de 9h30, la brume se disperse et le soleil éclaire une eau bleue-émeraude magnifique. On arrive à la Isla del Sol vers 10h30, et nous avons jusqu’à 15h30, heure de retour de notre bateau, pour visiter la première partie de l’île avec un groupe, puis la traverser de nord au sud (environ 12km). Fastoche, croit-on. Dès les dix premières minutes, je suis trempée de sueur et je suis complètement essoufflée par l’effort. On ne s’en rend pas compte, mais le Lac Titicaca est en altitude. Et la Isla del Sol est composée de montagnes et collines aux pentes très aigues. La traversée de l’île dure environ trois heures, nous arrivons au Sud épuisées, affamées, avec l’impression que nos jambes viennent de vivre la pire torture imposable après deux semaines de backpacking et de bus.

Etapes n°8-9-10 : Le retour à Guayaquil (Cuzco-Lima-Mancora)

De retour à Copacabana après la journée exténuante de la Isla del Sol, on doit déjà commencer le retour à Guayaquil. Ni une petite nuit de repos. On a une heure pour manger un morceau, faire nos sacs et prendre le bus qui nous ramène à Cuzco, où nous avons notre avion pour Lima le samedi 30.

C’est là que commence le débat stressant entre Jessica et moi sur comment faire le retour à Guayaquil. Jessica est raisonnable, elle veut faire un retour rapide et efficace vers Guayaquil sans s’attarder pour arriver dans la matinée du 1er février. Moi je suis tout sauf raisonnable, j’ai plus envie de prolonger le plaisir de voyager jusqu’au bout, je ne suis certainement pas pressée de rentrer. Je veux passer une dernière soirée à Lima avec nos amis de là bas, retourner une journée Mancora, peut être même passer par la ville de Loja (au sud de l’Equateur) avant de remonter à Guayaquil. Jessica propose que l’on se sépare pour faire le retour chacune à sa façon, mais je refuse catégoriquement. Ce voyage on l’a commencé toutes les deux, on va le terminer toutes les deux. Ca veut dire faire du compromis. Allé, réveille toi Camille, tu ne peux pas voyager éternellement et fuir le retour au quotidien. On repasse donc à Lima seulement quelques heures pour prendre une bière avec Manuel and Co. et leur dire aurevoir, passons une journée à Mancora pour profiter un dernier instant de la plage et de l’artisanat hippie, et revenons à Guayaquil le 1er au matin.

Et juste quand je commence à devenir boudeuse et nostalgique de ces deux semaines incroyables de circuit entre le Pérou et la Bolivie, je m’aperçois que cela fait pile poil 5 mois jour pour jour que je suis arrivée en Equateur, et qu’il ne me reste que quatre mois. Tout d’un coup, je suis bien contente d’être là car j’ai envie de profiter au maximum de ma famille, de mes amis et de ce pays que j’aime.



Pour voir toutes les photos du périple PEROU-BOLIVIE, cliquez ici!

vendredi 5 février 2010

CRONICAS PERUANAS





On l’a fait. Ce voyage tant voulu avec Jessica, on se l’est offert. Je rentre d’un magnifique périple de deux semaines à travers le Pérou et la Bolivie, la tête remplie de vues spectaculaires, de souvenirs riches en amitiés et découvertes, et bien entendu, le corps épuisé, quasi-prêt pour la tombe. J’aurai beau le décrire exhaustivement, il vous sera impossible d’imaginer dans sa plénitude la beauté de l’expérience qu’on a vécue. Mais je ferai de mon mieux pour la partager dans les détails les plus minutieux. Et tout d’abord, le Pérou…

Bon d’abord, il faut partir du commencement, à savoir une semaine avant que nous enfilions nos sacs à dos. En fait, depuis le premier jour de notre rencontre, Jessica et moi nous serrons solennellement la main en guise de pacte, juré-craché, on se fera un voyage au Pérou. Ok, donc arrive janvier et le départ plus ou moins imminent de ma querida amiga. On se bouge les fesses et décide de se planifier une bonne fois pour toute un beau circuit de deux semaines à travers le Pérou et la Bolivie, tout en bus et en mode « mochileras » (backpackers) of course... Départ prévu pour le 15 janvier, retour pour le 1er février, et chacune des 9 étapes minutieusement datée, conjecturée, organisée.

1ère étape : Mancora (16-17 janvier)

2ème étape : Lima (18-20 janvier)

3ème étape : Cuzco (20 janvier)

4ème étape : Machu Picchu (21 janvier)

5ème étape : La Paz (22-23 janvier)

6ème étape : Salar de Uyuni (24-26 janvier)

7ème étape : Copacabana et Lac Titicaca (27-28 janvier)

8ème étape : Cuzco (29-30 janvier)

9ème étape : Lima (30-31 janvier)

Retour à Guayaquil le 1er février

Le voyage s’annonce très intense, nous avons à peine 16 jours pour parcourir deux pays. Il nous faudra voyager durant la nuit, visiter durant le jour, dormir quelques heures quand on pourra se le permettre. Ca ne nous décourage pas une seconde. On s’ouvre une bouteille de vin et portons un toast à l’odyssée Pérou-Bolivie 2010. Une semaine plus tard, je m’impressionne : je n’ai qu’un sac à dos moyen de voyage et un petit sac à dos porté sur le ventre. Ca c’est de la belle organisation. Ce voyage va être du piece of cake. Vous savez très bien que ça ne se passe jamais comme ça, mais c’est beau d’espérer…


1ère étape : MANCORA. Plage de la côte nord du Pérou, bastion du surf sud-américain et repère du voyageur alternatif paumé qui décide d’y poser ses fesses le temps de quelques mois pour fabriquer des colliers en dents de requins et philosopher sur le non-conformisme jusqu’à ce que s’épuise son stock de weed. J’adore.

Ce petit pueblo posé sur la plage est parfait pour commencer les vacances. Piero, un ami péruvien que j’ai connu à Paris et qui passait à Guayaquil nous y accompagne. Onze heures du mat : j’ai les pieds dans le sable chaud, des beaux torses de surfeurs sous les yeux et je sirote le jus d’une vrai noix de coco tandis que Piero et Jessica s’en vont faire du cheval sur la plage. Nous passons le reste de la journée à se jeter dans les vagues, acheter des bijoux artisanaux, manger du ceviche et des glaces à la mangue, boire des bières bien fraiches et se comporter comme des hippies. C’est donc ça voyager, c’est vivre sans notion du temps et sans souci. Mouais. L’univers a du vouloir me secouer un peu, le soir même on apprend la nouvelle d’un « paro » au Pérou. Une grève des transports en bref. Tous les bus vont s’arrêter et toutes les voies seront bloquées d’ici 24 heures, nous annoncent les compagnies de transports. Du coup tous les voyageurs veulent sortir de Mancora en même temps, impossible de trouver un bus pour le jour et l’heure que nous avions planifiés. Après trois heures de négociations, de recherches et de démarches auprès des compagnies de transports, on se trouve un bus pour le lendemain avec la compagnie Flores.

Petite précision sur comment se déplacer en Amérique Latine lorsqu’on voyage en bus. D’une part, c’est très recommandable, car c’est dix fois moins cher qu’en avion. C’est aussi très pratique, il y a toujours des bus dans chaque ville qui partent dans plus ou moins toutes les directions. Toujours est-il qu’il faut bien savoir comment voyager et quel bus prendre. Lorsque les trajets sont de 12 à 18 heures, mieux vaut être entre de bonnes mains : Cruz del Sur, Flores et Tours Peru sont parmi les meilleures compagnies péruviennes, nous les avons testées toutes les trois. Toujours s’assurer que le bus est bien un « bus cama » (bus-lit, sièges réclinant à 180°) ou « semi-cama » (siège réclinant à 150°). Le trajet Mancora-Lima (18-19 heures) coûte dans les 100 soles soit environ 30 dollars avec repas compris, films à bord et sièges très confortables.


Etape n°2 : LIMA – Nous arrivons à Lima le 18 janvier à dix heures du matin. Le trajet de 18 heures n’a pas été pesant car nous avons voyagé de nuit, ce qui est conseillé pour éviter de perdre trop de temps et de se décaler complètement. Piero, lui-même liménien, nous y a accompagnées. De fait nous ne nous retrouvons pas perdues dans l’immensité qu’est la cinquième plus grande ville d’Amérique Latine.


Nous avons prévu de retrouver Manuel, un très bon ami que j’ai connu à Sciences Po lors de ma deuxième année (et qui m’avait présentée à Piero). Après de retrouvailles émouvantes et multiples accolades, Manuel et moi rattrapons le temps passé en papotant en français durant des heures. En bon guide et fier habitant de Lima, Manu nous fait visiter les parties les plus agréables de la ville en détaillant les caractéristiques de chacune : Miraflores quartier chic et résidentiel, les marchés artisanaux au milieu du parc San Francisco, le bord de mer « Larcomar » qui s’étend tout le long de la ville, pour finir à Barranco, quartier chic-bohême rempli de galeries artistiques, restaurants hypes et bars intellectuels. Lima a aussi réveillé mes papilles avec la gastronomie péruvienne : papas a la huancaina, aji de gallina, causa, ceviche piquant, et le fameux cocktail « pisco sour » fait à base de pisco (l’alcool national), de citron, sucre et blanc d’œuf. Que rico !


Le lendemain nous visitons le centre historique : à commencer par la Plaza de Armas et l’impressionnante cérémonie de changement des gardes à midi, suivi du couvent Santo Domingo et les marchés de bijoux en argent juste à côté. Le Pérou étant un grand producteur d’argent, on en profite pour faire nos achats de colliers et bagues à prix mini. Nous traversons le Barrio Chino, véritable petit morceau de Chine au milieu de cette grande ville latina. Nous terminons par le Muséo de la Nación qui évoque les grandes étapes de l’histoire du Pérou, depuis la culture inca jusqu’à nos jours en passant par la colonisation espagnole et l’indépendance. Ce qui retient mon attention à Lima c’est d’une part son étendue impressionnante. Guayaquil est un modeste bourg à côté. Les quartiers sont chacun une petite ville en soi. D’autre part, c’est la présence de nombreux immeubles de type staliniens avec une cinquantaine d’étages compressés dans un bâtiment bloc couleur poussière, érigés plus ou moins au milieu de nulle part.

Lima, cela faisait plus d’un an que j’en rêvais. Avant d’opter pour l’Equateur, mon cœur bâtait pour ce rêve de longue date qu’était le Pérou. Et Lima, malgré tout ce qu’on me disait (ville immense, polluée, violente, laide), m’avait immédiatement attirée. Encore plus maintenant que je l’ai visitée. On y sent tous les aspects fascinants de l’Amérique Latine : l’histoire, la musique, le développement, la familiarité, la culture politique, la jeunesse étudiante ; à la fois rapide et lente, effrayante et apaisante, sombre et gaie, incommode et confortable, simple sans être simpliste, j’ai la tête qui tourne tant elle m’impressionne et me bouleverse. Je n’ai presque pas envie de partir, et le fait de me retrouver avec de vieux amis n’arrange pas les choses. Pourtant, le temps passe sans que je ne m’en aperçoive, me voilà déjà refaire mon sac et partir pour Cuzco.

Etape n°3 – CUZCO : Nous avons décidé d’aller à Cuzco en avion, tout simplement parce que le trajet Lima-Cuzco dure quelques 26 heures en bus, temps précieux que nous n’avions pas le luxe de nous offrir avec seulement deux semaines de voyage. Nous avons donc réservé en avance un vol aller-retour (avec TACA Airlines) entre Lima et Cuzco, voyage qui se fait en une heure. Cuzco, ou « Gringo-landia » (gringo=américain) comme diraient Piero et Manuel, est LE repère touristique majeur du Pérou. Ancienne capitale Inca, c’est aujourd’hui la grande porte d’entrée au site Machu Picchu. La ville, aussi belle soit elle, a donc perdu quelque peu de son identité authentique par la multiplication de restaurants à gastronomie internationale, d’hôtels cinq étoiles et de panneaux en langue anglaise plutôt qu’espagnole. Néanmoins on s’y plait bien avec Jessica. On suit la piste d’une amie de Lima qui nous dit de trouver un hôtel sur la rue Choquechaka, très près du centre mais cinq fois moins chère que le reste. Effectivement, nous trouvons un petit hostal pour $5 la nuit, basique mais confortable (« Hospedaje Amanecer »). On tombe amoureuse du petit restaurant germano-péruvien d’en face qui sert de délicieux cafés, des soupes crémeuses et des sandwichs sur pain baguette à tout petits prix (le « Café Punchay »). Malheureusement, à part ces deux petites merveilles, le Cuzco touristique reste une ville chère, et tout a un coût. Chaque visite d’église, couvent ou musée coûte au moins 10 soles (soit environ $3), le prix de l’artisanat sur les marchés est le triple de ce que l’on trouve à Lima, des habitants en costumes traditionnels arpentent les rues et proposent que nous soyons pris en photo avec eux…pour 2 dollars. J’ai la carte bancaire qui se sent un peu malade, et ça ne fait que cinq jours qu’on voyage. Nous visitons le Musée Inka, qui vaut vraiment le détour, ainsi que l’Eglise-couvent La Merced. Mais la vérité, Cuzco est une ville où l’on peut aisément se promener sans s’attarder sur chaque attraction touristique (de quoi soulager les souffrances de la CB).

Pour ceux comme moi qui souffrent un peu de l’altitude, il y a les magiques feuilles de coca qui se mastiquent et allègent tout de suite les maux de tête et de ventre. Si vous aimez moyennement la sensation de manger des feuilles tel un lama, vous pouvez aussi acheter la coca sous forme de bonbons – qui deviennent assez rapidement addictifs selon mon expérience. Il est conseillé normalement de rester deux-trois jours à Cuzco avant de se rendre au Machu Picchu histoire de s’adapter à l’altitude ; néanmoins, nous avons prévu un voyage court et intense. Nous ne nous y attardons pas plus d’une journée et entamons la quatrième étape le lendemain.


Etape n°4 – MACHU PICCHU : Tant de choses à dire sur ce site classé parmi les sept merveilles du monde à côté du Taj Mahal et de la Grande muraille de Chine. Mais tout d’abord, une petite minute de gratitude pour la chance incroyable que nous avons eue. Deux jours après que nous ayons visité Machu Picchu, des pluies diluviennes sont tombées sur les Andes péruviennes et en particulier sur Cuzco, provoquant coulées de boues et innondations, détruisant d’innombrables routes et maisons, et bloquant pendant une semaine des milliers de touristes sur le site (avec deux morts). L’accès à Machu Picchu est désormais fermé pour deux mois, Jessica et moi étions parmi les derniers à avoir pu le voir avant les dégâts.


Machu Picchu est un ancien site sacré inca, entièrement préservé car il n’a jamais été découvert par les espagnols lors de la colonisation. Lorsque les incas reçurent la nouvelle de l’invasion de Cuzco, ils délaissèrent Machu Picchu et s’enfuirent à Vilcabamba. C’est aujourd’hui une des merveilles du monde, ce qui explique l’afflux en masse de touristes du monde entier pour le visiter. D’où la nécessité de s’y prendre à l’avance si l’on ne veut pas perdre de temps à attendre pour le voir. Jessica et moi avons réservé nos billets de train environ une semaine à l’avance (www.perurail.org). Une fois à Cuzco, il faut aussi réserver un bus qui nous emmène à la gare de Poroy, à environ 20 minutes de Cuzco, ainsi qu’un bus qui nous emmène du village d’arrivée du train Aguas Calientes jusqu’au site (environ 15 minutes). On paye un « package » de 70 dollars auprès d’une agence de tourisme à Cuzco qui comprend le bus aller-retour Cuzco-Poroy, le bus aller-retour Aguas Calientes-Machu Picchu ($16), l’entrée au site ($40) et une visite guidée de deux heures. Même si on n’aime pas trop l’idée de passer par une agence, on se rend compte que c’est quand même plus pratique de laisser des professionnels s’occuper de toutes ces réservations. A Machu Picchu, que cela nous plaise ou non, il faut accepter d’être touriste pour une journée.


De mon côté, Machu Picchu a été très impressionnant mais aussi décevant. Et oui. Commençons par le négatif : ce site majestueux qui me donnait les larmes aux yeux rien qu’à le voir dans des reportages télé n’a rien de la tranquillité que l’on s’imagine. Il est envahi par une horde de plusieurs milliers de touristes agités et bruyants qui s’excitent sur leurs appareils photos. Dans notre groupe de visite on se tape un allemand qui, à mon avis, venait de mélanger ses feuilles de coca avec du red bull, et s’est mis à crier des « Vaamooos ! Machu Picchu ! Shake it baby ! ». La sensation est parfois plus Disneyland que merveille de l’humanité. Quel dommage. Car c’est réellement un exploit humain enfoui au milieu d’une immensité andine bouleversante. Des monts débordants d’une densité de forêt vierge s’étendent à l’infini et donnent l’impression de n’être rien face à la toute-puissance de la nature. Des nuages crémeux traversent le site, s’étirent sur les collines et se glissent entre les ruines. On se sentirait presque comme séparé du reste de la planète, si seulement la moitié de la-dite planète ne se trouvait pas avec nous sur le site. Malgré tout, ça reste une expérience incroyable. Le meilleur moment : me trouver un petit coin isolé pour méditer un petit quart d’heure devant le paysage suivant :


Autre caractéristique de la visite à Machu Picchu : le temps. Il faut garder un œil sur la montre toute la journée, que ce soit pour être à l’heure pour le train, à l’heure pour le premier bus, l’heure pour le second bus, etc. Jessica et moi avions en plus le stress d’avoir notre bus pour La Paz le soir même. Nous ne pouvons donc pas trop nous attarder et rentrons à Cuzco sans perdre de temps, dégustons une dernière soupe à la tomate avec un vin chaud au Café Punchay et prenons la route de la Bolivie…