vendredi 5 février 2010

CRONICAS PERUANAS





On l’a fait. Ce voyage tant voulu avec Jessica, on se l’est offert. Je rentre d’un magnifique périple de deux semaines à travers le Pérou et la Bolivie, la tête remplie de vues spectaculaires, de souvenirs riches en amitiés et découvertes, et bien entendu, le corps épuisé, quasi-prêt pour la tombe. J’aurai beau le décrire exhaustivement, il vous sera impossible d’imaginer dans sa plénitude la beauté de l’expérience qu’on a vécue. Mais je ferai de mon mieux pour la partager dans les détails les plus minutieux. Et tout d’abord, le Pérou…

Bon d’abord, il faut partir du commencement, à savoir une semaine avant que nous enfilions nos sacs à dos. En fait, depuis le premier jour de notre rencontre, Jessica et moi nous serrons solennellement la main en guise de pacte, juré-craché, on se fera un voyage au Pérou. Ok, donc arrive janvier et le départ plus ou moins imminent de ma querida amiga. On se bouge les fesses et décide de se planifier une bonne fois pour toute un beau circuit de deux semaines à travers le Pérou et la Bolivie, tout en bus et en mode « mochileras » (backpackers) of course... Départ prévu pour le 15 janvier, retour pour le 1er février, et chacune des 9 étapes minutieusement datée, conjecturée, organisée.

1ère étape : Mancora (16-17 janvier)

2ème étape : Lima (18-20 janvier)

3ème étape : Cuzco (20 janvier)

4ème étape : Machu Picchu (21 janvier)

5ème étape : La Paz (22-23 janvier)

6ème étape : Salar de Uyuni (24-26 janvier)

7ème étape : Copacabana et Lac Titicaca (27-28 janvier)

8ème étape : Cuzco (29-30 janvier)

9ème étape : Lima (30-31 janvier)

Retour à Guayaquil le 1er février

Le voyage s’annonce très intense, nous avons à peine 16 jours pour parcourir deux pays. Il nous faudra voyager durant la nuit, visiter durant le jour, dormir quelques heures quand on pourra se le permettre. Ca ne nous décourage pas une seconde. On s’ouvre une bouteille de vin et portons un toast à l’odyssée Pérou-Bolivie 2010. Une semaine plus tard, je m’impressionne : je n’ai qu’un sac à dos moyen de voyage et un petit sac à dos porté sur le ventre. Ca c’est de la belle organisation. Ce voyage va être du piece of cake. Vous savez très bien que ça ne se passe jamais comme ça, mais c’est beau d’espérer…


1ère étape : MANCORA. Plage de la côte nord du Pérou, bastion du surf sud-américain et repère du voyageur alternatif paumé qui décide d’y poser ses fesses le temps de quelques mois pour fabriquer des colliers en dents de requins et philosopher sur le non-conformisme jusqu’à ce que s’épuise son stock de weed. J’adore.

Ce petit pueblo posé sur la plage est parfait pour commencer les vacances. Piero, un ami péruvien que j’ai connu à Paris et qui passait à Guayaquil nous y accompagne. Onze heures du mat : j’ai les pieds dans le sable chaud, des beaux torses de surfeurs sous les yeux et je sirote le jus d’une vrai noix de coco tandis que Piero et Jessica s’en vont faire du cheval sur la plage. Nous passons le reste de la journée à se jeter dans les vagues, acheter des bijoux artisanaux, manger du ceviche et des glaces à la mangue, boire des bières bien fraiches et se comporter comme des hippies. C’est donc ça voyager, c’est vivre sans notion du temps et sans souci. Mouais. L’univers a du vouloir me secouer un peu, le soir même on apprend la nouvelle d’un « paro » au Pérou. Une grève des transports en bref. Tous les bus vont s’arrêter et toutes les voies seront bloquées d’ici 24 heures, nous annoncent les compagnies de transports. Du coup tous les voyageurs veulent sortir de Mancora en même temps, impossible de trouver un bus pour le jour et l’heure que nous avions planifiés. Après trois heures de négociations, de recherches et de démarches auprès des compagnies de transports, on se trouve un bus pour le lendemain avec la compagnie Flores.

Petite précision sur comment se déplacer en Amérique Latine lorsqu’on voyage en bus. D’une part, c’est très recommandable, car c’est dix fois moins cher qu’en avion. C’est aussi très pratique, il y a toujours des bus dans chaque ville qui partent dans plus ou moins toutes les directions. Toujours est-il qu’il faut bien savoir comment voyager et quel bus prendre. Lorsque les trajets sont de 12 à 18 heures, mieux vaut être entre de bonnes mains : Cruz del Sur, Flores et Tours Peru sont parmi les meilleures compagnies péruviennes, nous les avons testées toutes les trois. Toujours s’assurer que le bus est bien un « bus cama » (bus-lit, sièges réclinant à 180°) ou « semi-cama » (siège réclinant à 150°). Le trajet Mancora-Lima (18-19 heures) coûte dans les 100 soles soit environ 30 dollars avec repas compris, films à bord et sièges très confortables.


Etape n°2 : LIMA – Nous arrivons à Lima le 18 janvier à dix heures du matin. Le trajet de 18 heures n’a pas été pesant car nous avons voyagé de nuit, ce qui est conseillé pour éviter de perdre trop de temps et de se décaler complètement. Piero, lui-même liménien, nous y a accompagnées. De fait nous ne nous retrouvons pas perdues dans l’immensité qu’est la cinquième plus grande ville d’Amérique Latine.


Nous avons prévu de retrouver Manuel, un très bon ami que j’ai connu à Sciences Po lors de ma deuxième année (et qui m’avait présentée à Piero). Après de retrouvailles émouvantes et multiples accolades, Manuel et moi rattrapons le temps passé en papotant en français durant des heures. En bon guide et fier habitant de Lima, Manu nous fait visiter les parties les plus agréables de la ville en détaillant les caractéristiques de chacune : Miraflores quartier chic et résidentiel, les marchés artisanaux au milieu du parc San Francisco, le bord de mer « Larcomar » qui s’étend tout le long de la ville, pour finir à Barranco, quartier chic-bohême rempli de galeries artistiques, restaurants hypes et bars intellectuels. Lima a aussi réveillé mes papilles avec la gastronomie péruvienne : papas a la huancaina, aji de gallina, causa, ceviche piquant, et le fameux cocktail « pisco sour » fait à base de pisco (l’alcool national), de citron, sucre et blanc d’œuf. Que rico !


Le lendemain nous visitons le centre historique : à commencer par la Plaza de Armas et l’impressionnante cérémonie de changement des gardes à midi, suivi du couvent Santo Domingo et les marchés de bijoux en argent juste à côté. Le Pérou étant un grand producteur d’argent, on en profite pour faire nos achats de colliers et bagues à prix mini. Nous traversons le Barrio Chino, véritable petit morceau de Chine au milieu de cette grande ville latina. Nous terminons par le Muséo de la Nación qui évoque les grandes étapes de l’histoire du Pérou, depuis la culture inca jusqu’à nos jours en passant par la colonisation espagnole et l’indépendance. Ce qui retient mon attention à Lima c’est d’une part son étendue impressionnante. Guayaquil est un modeste bourg à côté. Les quartiers sont chacun une petite ville en soi. D’autre part, c’est la présence de nombreux immeubles de type staliniens avec une cinquantaine d’étages compressés dans un bâtiment bloc couleur poussière, érigés plus ou moins au milieu de nulle part.

Lima, cela faisait plus d’un an que j’en rêvais. Avant d’opter pour l’Equateur, mon cœur bâtait pour ce rêve de longue date qu’était le Pérou. Et Lima, malgré tout ce qu’on me disait (ville immense, polluée, violente, laide), m’avait immédiatement attirée. Encore plus maintenant que je l’ai visitée. On y sent tous les aspects fascinants de l’Amérique Latine : l’histoire, la musique, le développement, la familiarité, la culture politique, la jeunesse étudiante ; à la fois rapide et lente, effrayante et apaisante, sombre et gaie, incommode et confortable, simple sans être simpliste, j’ai la tête qui tourne tant elle m’impressionne et me bouleverse. Je n’ai presque pas envie de partir, et le fait de me retrouver avec de vieux amis n’arrange pas les choses. Pourtant, le temps passe sans que je ne m’en aperçoive, me voilà déjà refaire mon sac et partir pour Cuzco.

Etape n°3 – CUZCO : Nous avons décidé d’aller à Cuzco en avion, tout simplement parce que le trajet Lima-Cuzco dure quelques 26 heures en bus, temps précieux que nous n’avions pas le luxe de nous offrir avec seulement deux semaines de voyage. Nous avons donc réservé en avance un vol aller-retour (avec TACA Airlines) entre Lima et Cuzco, voyage qui se fait en une heure. Cuzco, ou « Gringo-landia » (gringo=américain) comme diraient Piero et Manuel, est LE repère touristique majeur du Pérou. Ancienne capitale Inca, c’est aujourd’hui la grande porte d’entrée au site Machu Picchu. La ville, aussi belle soit elle, a donc perdu quelque peu de son identité authentique par la multiplication de restaurants à gastronomie internationale, d’hôtels cinq étoiles et de panneaux en langue anglaise plutôt qu’espagnole. Néanmoins on s’y plait bien avec Jessica. On suit la piste d’une amie de Lima qui nous dit de trouver un hôtel sur la rue Choquechaka, très près du centre mais cinq fois moins chère que le reste. Effectivement, nous trouvons un petit hostal pour $5 la nuit, basique mais confortable (« Hospedaje Amanecer »). On tombe amoureuse du petit restaurant germano-péruvien d’en face qui sert de délicieux cafés, des soupes crémeuses et des sandwichs sur pain baguette à tout petits prix (le « Café Punchay »). Malheureusement, à part ces deux petites merveilles, le Cuzco touristique reste une ville chère, et tout a un coût. Chaque visite d’église, couvent ou musée coûte au moins 10 soles (soit environ $3), le prix de l’artisanat sur les marchés est le triple de ce que l’on trouve à Lima, des habitants en costumes traditionnels arpentent les rues et proposent que nous soyons pris en photo avec eux…pour 2 dollars. J’ai la carte bancaire qui se sent un peu malade, et ça ne fait que cinq jours qu’on voyage. Nous visitons le Musée Inka, qui vaut vraiment le détour, ainsi que l’Eglise-couvent La Merced. Mais la vérité, Cuzco est une ville où l’on peut aisément se promener sans s’attarder sur chaque attraction touristique (de quoi soulager les souffrances de la CB).

Pour ceux comme moi qui souffrent un peu de l’altitude, il y a les magiques feuilles de coca qui se mastiquent et allègent tout de suite les maux de tête et de ventre. Si vous aimez moyennement la sensation de manger des feuilles tel un lama, vous pouvez aussi acheter la coca sous forme de bonbons – qui deviennent assez rapidement addictifs selon mon expérience. Il est conseillé normalement de rester deux-trois jours à Cuzco avant de se rendre au Machu Picchu histoire de s’adapter à l’altitude ; néanmoins, nous avons prévu un voyage court et intense. Nous ne nous y attardons pas plus d’une journée et entamons la quatrième étape le lendemain.


Etape n°4 – MACHU PICCHU : Tant de choses à dire sur ce site classé parmi les sept merveilles du monde à côté du Taj Mahal et de la Grande muraille de Chine. Mais tout d’abord, une petite minute de gratitude pour la chance incroyable que nous avons eue. Deux jours après que nous ayons visité Machu Picchu, des pluies diluviennes sont tombées sur les Andes péruviennes et en particulier sur Cuzco, provoquant coulées de boues et innondations, détruisant d’innombrables routes et maisons, et bloquant pendant une semaine des milliers de touristes sur le site (avec deux morts). L’accès à Machu Picchu est désormais fermé pour deux mois, Jessica et moi étions parmi les derniers à avoir pu le voir avant les dégâts.


Machu Picchu est un ancien site sacré inca, entièrement préservé car il n’a jamais été découvert par les espagnols lors de la colonisation. Lorsque les incas reçurent la nouvelle de l’invasion de Cuzco, ils délaissèrent Machu Picchu et s’enfuirent à Vilcabamba. C’est aujourd’hui une des merveilles du monde, ce qui explique l’afflux en masse de touristes du monde entier pour le visiter. D’où la nécessité de s’y prendre à l’avance si l’on ne veut pas perdre de temps à attendre pour le voir. Jessica et moi avons réservé nos billets de train environ une semaine à l’avance (www.perurail.org). Une fois à Cuzco, il faut aussi réserver un bus qui nous emmène à la gare de Poroy, à environ 20 minutes de Cuzco, ainsi qu’un bus qui nous emmène du village d’arrivée du train Aguas Calientes jusqu’au site (environ 15 minutes). On paye un « package » de 70 dollars auprès d’une agence de tourisme à Cuzco qui comprend le bus aller-retour Cuzco-Poroy, le bus aller-retour Aguas Calientes-Machu Picchu ($16), l’entrée au site ($40) et une visite guidée de deux heures. Même si on n’aime pas trop l’idée de passer par une agence, on se rend compte que c’est quand même plus pratique de laisser des professionnels s’occuper de toutes ces réservations. A Machu Picchu, que cela nous plaise ou non, il faut accepter d’être touriste pour une journée.


De mon côté, Machu Picchu a été très impressionnant mais aussi décevant. Et oui. Commençons par le négatif : ce site majestueux qui me donnait les larmes aux yeux rien qu’à le voir dans des reportages télé n’a rien de la tranquillité que l’on s’imagine. Il est envahi par une horde de plusieurs milliers de touristes agités et bruyants qui s’excitent sur leurs appareils photos. Dans notre groupe de visite on se tape un allemand qui, à mon avis, venait de mélanger ses feuilles de coca avec du red bull, et s’est mis à crier des « Vaamooos ! Machu Picchu ! Shake it baby ! ». La sensation est parfois plus Disneyland que merveille de l’humanité. Quel dommage. Car c’est réellement un exploit humain enfoui au milieu d’une immensité andine bouleversante. Des monts débordants d’une densité de forêt vierge s’étendent à l’infini et donnent l’impression de n’être rien face à la toute-puissance de la nature. Des nuages crémeux traversent le site, s’étirent sur les collines et se glissent entre les ruines. On se sentirait presque comme séparé du reste de la planète, si seulement la moitié de la-dite planète ne se trouvait pas avec nous sur le site. Malgré tout, ça reste une expérience incroyable. Le meilleur moment : me trouver un petit coin isolé pour méditer un petit quart d’heure devant le paysage suivant :


Autre caractéristique de la visite à Machu Picchu : le temps. Il faut garder un œil sur la montre toute la journée, que ce soit pour être à l’heure pour le train, à l’heure pour le premier bus, l’heure pour le second bus, etc. Jessica et moi avions en plus le stress d’avoir notre bus pour La Paz le soir même. Nous ne pouvons donc pas trop nous attarder et rentrons à Cuzco sans perdre de temps, dégustons une dernière soupe à la tomate avec un vin chaud au Café Punchay et prenons la route de la Bolivie…

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