mardi 29 septembre 2009

FOTOS

Pour voir quelques photos de mon périple, rendez-vous sur ce lien:

http://www.facebook.com/album.php?aid=109913&id=773134817&l=ab7016866c

lundi 28 septembre 2009

CUMPLEANDO EL PRIMER MES



Un mois déjà. Pile poil. Il y a quatre semaines, j’arrivais avec mucho appréhension dans ma nouvelle maison. Premiers pas dans mon nouveau quartier, premiers pas de salsa… beaucoup de « premiers » tout court. Un mois, et depuis je vois que beaucoup de choses ont changé dans mon mode de vie. En voici quelques exemples :

- Je commence à avoir une légère intonation espagnole quand je parle français

- J’ai remplacé le timide « señor ? » par un grand « Amigo ! » quand j’appelle un serveur

- J’ai fait connaissance avec une bombe lacrymogène en me retrouvant au milieu d’une manifestation étudiante

- J’ai chanté du Aerosmith et du Francis Cabrel dans un bar à Karaoke. Oui, Francis Cabrel existe ici.

- Ici, je sais non seulement déboucher les toilettes les yeux bandés, je sais aussi laver mon linge à la main avec un savon et une brosse et allumer une allumette avec la fermeture éclair de mon jean. En clair, j’apprends les règles de la sophistication féminine.

- Vous ne me trouviez pas très ponctuelle en France, vous devriez me voir en Equateur.

- Vous me trouviez coincée de la nutrition à l’huile d’olive en France, ba… l’huile d’olive n’existe pas ici.

- Vous me trouviez coincée du bruit en France, toujours à dire aux uns et aux autres de parler doucement ou de mettre la musique moins fort. Oubliez tout ça. Ici, le bruit est une règle de vie. On parle en criant, on rit en hurlant, on fait profiter tout le quartier de notre musique, on fait beugler la télé à 7 heures du matin, on laisse les chiens aboyer toute la nuit. Et je supporte très bien, pour votre information.

- La société équatorienne est très machiste, les femmes sont considérées comme faibles : les hommes ne m’ont jamais autant cédé leur place assise dans le bus qu’ici.

- En Equateur, je suis grande

- Les mecs de mon agence BNP à Paris sont mes nouveaux potes : on s’écrit tous les jours

- Ici je m’appelle « Camila Chwang ».

- En voyant la politique en Equateur et les actions du président Correa, Sarkozy m’a presque manqué. PRESQUE.

- Je ne me souviens plus de la sensation d’une douche bien chaude

- Je ne me souviens plus de ce que c’est que de prendre le bus sans me faire bousculer, marcher sur les pieds et me prendre des coups de coudes. Ou ce que c’est que de recevoir d’humbles excuses de la part de l’auteur dudit coup de coude…

- J’apprends à danser le reggaeton, la salsa, le merengue, la samba, la cumbia et le pachaca. Le rock, le R’n’B, la pop et la techno sont des rythmes bien loin.

- Je suis devenue accro à la portion de riz à chaque repas.

- J’ai l’habitude que l’épicière, le gérant du cybercafé, le chauffeur de taxi, la réceptionniste de l’école de salsa, le passant dans la rue à qui je demande des directions m’appellent tous « mi amor », « mi vida », « niña », « mi cielo »

- Je sors avec un sac qui fait la taille d’un porte-monnaie : il contient mon téléphone, mes clés et trois dollars, nada más.

- Je prends tellement de plaisir dans mon travail que j’ai l’impression d’être en vacances tous les jours.

Hier soir, je sors avec des amis pour fêter l’accomplissement de ce premier mois autour d’une glace café-amande, con crema y chocolate caliente. Nous prévoyons des voyages à Montañita, au volcan Cotopaxi, en Colombie, au Venezuela et au Pérou en rêvant des plages désertes de l’île San Andrés et des parcs naturels de l’Amazonie équatorienne. Une amie nous enseigne des pas de samba au milieu de la rue, puis nous rentrons en voiture en chantant Calle Ocho à tue tête. L’Equateur qui était si difficile au départ est devenu aussi délicieux qu’une glace café-amande, aussi captivant qu’une virée en Amérique Latine, aussi chavirant qu’un pas de samba, aussi simple qu’une soirée entre amis à chanter à tue tête à l’arrière d’une voiture. Que bueno estar en Ecuador.

mardi 22 septembre 2009

"POR FAVOR, MI DINERO ESTA EN TU CHUCHA"

= Excuse moi, mon argent est dans ta chatte

Veuillez me pardonner la vulgarité, voilà simplement une blague sur laquelle Marina et moi nous sommes bien marées il y a quelques jours. Marina, j’aime dire que c’est un peu mon garde du corps. En vrai, c’est la fille de la Señora. Elle vit dans une maison séparée à cinq minutes de la mienne, avec son mari et ses trois enfants, ainsi que Jessica, la volontaire américaine. Dès que je dois me rendre dans un quartier qui craint un peu, Marina m’accompagne. Je n’ai qu’à aller frapper à la grille de sa maison en criant « A ver ! » (ce que l’on dit quand on va chez quelqu’un ou dans une boutique pour signaler qu’il y a quelqu’un) et Marina sort avec son grand sourire et son « Hola chica! », prête à me rendre n’importe quel service. Encore une illustration de la gentillesse incommensurable des gens que je rencontre ici.

Bref. Pour en revenir a cette histoire de dinero dans la chucha, je me rends un jour comme les autres chez Marina et m’époumone d’un « Aaaa veeeer ! ». Nous avions rendez-vous pour qu’elle m’accompagne à la banque, dans le centre-ville, où je devais changer quelques deux cents dollars de travelers cheques. Le quartier où je me rendais n’est pas ce qu’il y avait de dangereux ce jour là ; c’était bien le fait de me promener seule avec deux cents dollars en liquide sur moi. J’en viens à l’objet de cet article : le fric, le blé, la plata, dans un pays comme l’Equateur. La pauvreté fait que n’importe quelle activité qui permet de ramener un peu d’argent est bonne à prendre. Ceci explique la présence d’une multitude de micro-vendeurs éparpillés sur les trottoirs du matin jusqu’au soir, vendant du jus de noix de coco, des autocollants, des tranches de mangues ou des enveloppes postales, et proposant toutes sortes de petits services comme le rechargement des piles ou le cirage des chaussures.

Mais d’abord, terminons une bonne fois pour toute l’anecdote. 40 minutes de bus et 20 minutes de queue plus tard, assoiffée, j’ai mon cash en poche. Mais avant même que je puisse regagner la sortie de la banque et me précipiter telle une attardée sur le petit vendeur d’en face pour m’acheter un jus de goyave, Marina m’entraine dans un coin sombre au premier étage et me dit de mettre mon argent dans le sac jaune qu’elle me tend. Mierda ! Je rêve où elle est en train de me voler ? « No estúpida ! répond-elle devant ma mine stupéfaite. Un poco confianza por favor! ». Deux cents dollars dans le petit sac jaune, et hop, ni vu ni connu, Marina l’enfouit bien bas dans sa culotte, au niveau de sa chucha. L’hygiène et l’espace personnel sont pour un autre article, j’ai beaucoup à dire sur ces sujets aussi.

Réflexe bizarre que de cacher son argent dans ses parties intimes. J’essaie de me souvenir de la dernière fois que j’ai fait ça en France… Je réalise que ce n’est pourtant pas la première fois que je vois ça en Equateur. La plupart de mes copines sortent de chez elles sans sac, mettent tout dans leurs poches, et leur argent dans leur soutien-gorge. Certaines vont même jusqu’à le coller à même la peau avec de l’adhésif. Quant à la carte de crédit, elle reste bien au chaud à la maison, et ne voit les doux rayons de soleil que 5 minutes par semaine, le temps de traverser la rue jusqu’au distributeur automatique pour retirer du liquide et rentrer rapidos à la maison.

Le ton est ironique, pourtant ces précautions sont prises par quasiment tous les Equatoriens. Le coupable dans tout ça : le vol. Règle numéro une dans tout pays d’Amérique Latine : ne pas sous-estimer son ampleur. Le vol est non seulement extrêmement fréquent, il est aussi extrêmement bien organisé. C’est tristement le gagne-pain d’un grand nombre de personnes qui ne parviennent pas à survivre avec les micro-activités que j’ai mentionnées. C’est un business qui se décline en une infinité de cas de figure, du « petit » vol de sac à main ou de portable dans la rue au « sequestro expresso », vol à main armé dans un taxi. A peu près tout le monde que j’ai rencontré en Equateur pour l’instant s’est fait voler à plusieurs reprises, certains par simple faute d’inattention avec leurs affaires, d’autres de manière bien plus violente. On ne peut pas contrôler le fait de se faire voler, du coup on essaie au moins de contrôler ce que l’on peut nous prendre.

Ainsi, comme le voleur a rarement le temps de plonger sa main dans la culotte de sa proie au milieu de la rue ou dans le bus, on cache ingénieusement les deniers dans la chucha.

jeudi 17 septembre 2009

¡QUE RICA LA COMIDA EQUATORIANA!



Les amis, parlons bien, parlons bouffe. Que celui qui pense que l’Equateur n’a pas de vraie culture culinaire sorte de ma vue. Mais tout d’abord, quelques données pour se mettre dans l’ambiance.

· Le poids moyen de la femme équatorienne est entre 80 et 90 kilos. Je dis bien le poids moyen.

· Les équatoriens mangent du riz 2 à 3 fois par jour.

· Le désert n’existe quasiment pas en Equateur, sauf pour les grandes occasions (gâteau d’anniversaire, repas de mariage…).

· La boisson alcoolisée nationale est la cerveza Pilsener (bière). En une heure, trois équatoriens d’âge adulte vont descendre 20 grandes bouteilles de Pilsener (+/- 10%).

Comme vous l’avez deviné, les Equatoriens ont du bide. La notion de diète et régime n’est pas très développée ici. La qualité et la quantité de nourriture ingurgitée quotidiennement par l’équatorien ne connaissent vraisemblablement pas, ou peu, de discipline. A côté de l’omniprésente nécessité de « survivre » face à l’insécurité, la violence et la pauvreté que je ressasse incessamment, il y a aussi la merveilleuse culture du « bien vivre » dont j’aimerai vous parler à présent: celle de la musique, de la danse et surtout de bien manger. Celle de disfrutar la vida.

Le plat typique de base en Equateur est l’assiette d’arroz con menestra y pollo (riz, haricots rouges et poulet). Le riz se retrouve dans toutes les assiettes à quasiment tous les repas. On l’accompagne de viande – souvent de poulet ou de porc – ou de crevettes (camarones), un peu de salade et de platano. L’Equateur est le premier producteur de banane plantain au monde. Celui-ci se mange de différentes façons, soit sous forme de chips (chifles), sous forme de petites tranches épaisses frites (patacones) ou sous forme de tranches longues cuites dans du beurre et un peu molles (maduro). Ce dernier type de cuisson est particulièrement savoureux, à mon sens.

Les Equatoriens rient quand ils me voient manger les aliments qu’il y a dans mon assiette séparément. Non. Pour être un vrai équatorien, il faut maîtriser l’art de la fusion culinaire. Les équatoriens vont mélanger leur riz, haricots, légumes, crudités, poulet et platanos pour en faire une sorte de mélange de saveurs. Ils vont aller jusqu’à mettre une partie de leur riz dans leur caldo (bouillon avec légumes et viande).

Les Equatoriens rient quand ils me voient délicatement déguster mon plat. Non. Pour être un vrai équatorien, il faut inhaler son repas. Aspirer des louchées entières de riz sans mastiquer ni converser avec les autres à table. Chaque repas est le concours de celui qui va manger le plus vite – et en bonus, celui qui va faire le plus de bruit.

Les Equatoriens rient quand je refuse du jus de fruit ou du Coca avec mon repas. Non. Pour être un vrai équatorien, on boit à tous les repas son verre de jugo de papaya, de manzana, de naranjilla ou de mango. Personnellement je n’aime pas boire sucré avec un repas salé. J’avais l’impression que ça allait faire la une des quotidiens locaux.

La cuisine est omniprésente en Equateur. Si quelqu’un vient à la maison, ce n’est pas un verre qu’on lui offre, c’est une assiette de riz avec de la viande. De même, les rues sont blindées de petits vendeurs de maïs, de riz, de poulet cuit à la braise, de platanos maduros cuits sur une petite plaque chauffante entre deux voitures. Pour celui qui voyage en Equateur, il sera surpris par l’abondance de fruits de toutes sortes, tailles et saveurs que l’on peut trouver à chaque coin de rue. Dans chaque rue on passe devant des petits restaurants modestes avec leur cuisine à même le trottoir où on peut manger un repas pour 0,60 centimes, des Yogurterias, où l’on va acheter un yaourt à la mangue et quelques pan de yuca (petits pains au manioc), et par-ci par-là des Chifas (restaurants sino-équatoriens) ou des Frutabars où on peut commander des jus de fruits exotiques et des milkshakes en mangeant des humitas ou des empanadas, sortes de tortillas au maïs ou au fromage.

On ne peut pas le nier, la cuisine équatorienne est très différente de la tradition culinaire française. La sophistication n’a pas de place dans l’assiette en Equateur, priorité à la quantité et à l’huile. Il s’agit d’une cuisine plutôt lourde qui ne connait pas les règles de base de l’équilibre alimentaire. Ainsi, il arrive qu’un dîner comporte spaghettis à la viande et riz dans la même assiette. De mon côté, j’essaye tant bien que mal d’apporter un peu de discipline dans la cuisine en suggérant plus de légumes, moins de fritures, des quantités plus petites. Pour l’instant sans grand succès. La seule règle que j’ai réussi à imposer chez mes hôtes à ce jour, c’est PAS DE CEVICHE AU PETIT DEJ. Le jour où la Señora Marlene m’a posé un bol de soupe avec des petits morceaux de poisson et de coriandre flottant à la surface alors que je venais d’émerger de mon lit, j’ai bien cru que mon système digestif allait présenter sa démission pour de bon.

Mises à part ces quelques frustrations – et kilos en plus – je me régale chaque jour devant mon assiette. S’il y a bien quelque chose que les équatoriens savent faire, c’est préparer un repas avec saveur, et aussi avec plaisir. La cuisine est familiale, commune, partagée. Le repas épicé, sucré, coloré, aromatisé, composite et caliente.

Quelques derniers conseils pour le voyageur aventurier :

· Ne pas acheter de nourriture préparée dans les petits stands de rue, les conditions d’hygiène ne sont pas respectées et la nourriture n’est pas toujours très fraiche.

· Dans la rue, n’achetez que les fruits que vous allez ouvrir ou éplucher vous-même (Naranjillas, Granadilla, Piña, Sandia, etc.). Evitez les framboises, les morceaux de mangue ou de papaye, et tout autre fruit dont la chaire est exposée, touchée et donc souvent contaminée.

· Ne jamais acheter de surgelés dans les grandes surfaces, la chaîne du froid n’est pas toujours respectée et bien souvent, les aliments ont été à plusieurs reprises décongelés puis recongelés (Copyright mon amie Oriane, voyageuse endurcie qui m’a délivrée ses prodigieux conseils avant que je parte, soit « Comment j’ai survécu à 1 an de colite en Inde »).

· Si vous sortez borracho à quatre heures du matin d’une soirée en boîte, passage obligé par un restaurant d’Encebollado, la petite soupe épicée de pommes de terre et d'albacore, agrémentée au jus de citron que mange tout équatorien fêtard qui se respecte pour décuver. L’équivalent du kebab à 3 heures du matin en Europe quand l’alcool et la fête nous donnent un petit creux…

¡Buen Provecho!

samedi 12 septembre 2009

EL PUEBLITO TAMARINDO


J+13 les amis. Je ne sais pas bien pourquoi je compte les jours, probablement parce que pour l’instant je ressens encore un peu le temps qui passe depuis mon arrivée. Chaque jour, il m’arrive quelque chose d’inédit : je fais, mange, essaie, vis quelque chose que je ne connaissais pas auparavant. De la simple dégustation de platanes frits au karaoké dans un bar de Las Peñas (le « Montmartre » de Guayaquil), chaque jour est une sorte de mini-aventure ici. J’arrêterai probablement de compter quant tout ceci deviendra un peu plus routine.

Les premiers jours, je suis ultra sensible au changement. Je n’aime pas trop cette ville, je ne vois pas pourquoi on l’appelle La Perle du Pacifique. J’ai même les larmes aux yeux en rentrant dans le Consulat de France, c’est vous dire. Mais la Señora Marlene tente de me rassurer en me disant que tous les volontaires étrangers qui sont venus faire un stage dans son ONG arrivent triste et déçus, et repartent en pleurant. Je n’étais pas convaincue.

Ce qui me désespérait plus que tout les premiers jours à Guayaquil, c’est qu’il y a peu d’espaces où l’on peut prendre son temps. Des endroits où l’on peut simplement contempler, se relaxer, se poser, des endroits où le temps s’arrête comme les terrasses de café ou les quais de Seine à Paris. Tout est rapide. Même pour monter dans un bus, il faut souvent le faire en même temps que le bus avance. La ville se meut au rythme des “Vaya!” des chauffeurs de bus et des piétons qui traversent la rue en courant pour ne pas se faire écraser. Vous imaginez donc l’immensité de mon bonheur lorsque je suis sortie de la ville pour la première fois pour aller en el campo – la campagne.

L’ONG dans laquelle je fais mon stage – la Fundación Corazones Unidos – base ses activités dans un village minuscule qui s’appelle Tamarindo, à environ une heure en bus de Guayaquil. La première fois que je m’y rends, j’ai l’impression d’aller au trou du cul du monde – comme si c’était encore possible… Le bus fonce à tout allure vers le nord et dépasse les bidonvilles périphériques de Guayaquil, chacun plus pauvre et délabré que le précédent. Nous gagnons les villages des alentours pour finalement nous enfoncer dans une campagne verte, agricole, presque vierge. Les cultures de riz côtoient les platanes et les manguiers, et de temps en temps nous passons à côté d’une baraque rudimentaire. Et alors que je pensais qu’il était impossible d’atteindre un isolement plus grand de la civilisation, j’apprends qu’il faut traverser el río Daule – le fleuve de la région – en canoë, pour atteindre Tamarindo.

Je dois m’arrêter ici pour faire une parenthèse sur les moyens de transport en Equateur. En moins de deux semaines, j’ai l’impression d’avoir emprunté tous les véhicules imaginables pour me déplacer: du bus minuscule et inconfortable de Guayaquil au canoë pour traverser le fleuve, en passant par l’arrière d’une camionnette arrêtée en stop au bord d’une route de campagne et une moto où nous étions quatre dessus, je m’aperçois qu’en Equateur, tous les moyens sont bons pour se rendre d’un point à l’autre. Sachant que les Equatoriens sont des conducteurs locos et que leurs véhicules datent souvent des années soixante, ce n’est pas toujours chose rassurante. Pourtant à chaque fois c’est un vrai moment de plaisir.

Arrivée à Tamarindo: les rues sont des sentiers de terre battue et de sable, les animaux de ferme rodent dans le village le plus naturellement du monde, et quant à Internet, c’est un mot étranger. Dans la maison où je loge, l’eau courante ne fonctionne pas, si bien qu’il faut utiliser une bassine d’eau (froide, mais bon il me semble inutile de le préciser, ça c’est juste le quotidien…) pour se laver ou tirer la chasse des toilettes. Quant aux murs de la maison, ils ne sont pas finis jusqu’en haut, ce qui fait qu’on entend tout ce qu’il se passe d’une pièce à l’autre, y compris dans la salle de bain. Les moustiques, la chaleur, la poussière, je suis un peu rebutée à mon arrivée. C’est ça le soit disant pueblito encantador dont tout le monde me parle ?

Mais comme toujours ici, il faut rarement se fier à la première impression et se laisser enchanter par l’esprit du lieu, ses habitants fantastiques et les airs de salsa, de cumbia et de reggaeton que l’on entend toute la journée en fond sonore. Et puis, plus sérieusement, il y a le travail que je suis venue faire ici. A Tamarindo, on me présente le centre de santé que l’ONG a mis cinq ans à construire et qui va être inauguré dans deux semaines. C’est un chef d’œuvre monumental vu les faibles moyens de l’ONG. Je suis admirative devant la combativité et l’entrain de tous les volontaires de tous âges du village. Les réunions se déroulent sous un petit préau au centre du village et sont l’occasion de recevoir des informations et mises à jour de la part de la présidente ou de donner son opinion et débattre. Le mot d’ordre de tous ces volontaires et de rester « unidos ». Ils considèrent que la clé de leur réussite est l’esprit d’équipe.

Cependant il y a beaucoup de failles dans leur organisation, qui affecte de ce fait la crédibilité professionnelle de Corazones Unidos et l'avancee de leurs projets. Premièrement, le manque de modernité des structures : absence de bureau administratif véritable, pas de courrier électronique professionnel, moyens de transports limités et surtout expérience du monde du travail quasi-nulle pour la plupart de ces femmes volontaires qui ont été toute leur vie ama de casa (femme au foyer). Il faut dire que la société équatorienne, quoique évoluant progressivement sur ce sujet, condamne encore beaucoup l’indépendance des femmes. Celles-ci vivent chez leurs parents jusqu’à ce à ce qu’elles se marient. Le triste résultat en est parfois des femmes de 30 ans qui vivent encore avec leurs parents faute d’avoir trouvé un prétendant convenable, ou des femmes qui se marient à l’âge de 19-20 ans et passent à côté des opportunités d’études ou de carrière. Je reviendrai sur le sujet de la culture sociale en Equateur une autre fois.

Après les réunions au village, nous mangeons un repas typique équatorien, nous dansons et parlons pendant des heures. Les gens ici sont très curieux et vont poser beaucoup de questions sur ma situation familiale, ma vie amoureuse, pourquoi je suis toute flaquita (maigrelette) – car il faut dire qu’ici, vu les quantités avalées à chaque repas, même Maïté serait dans les normes de poids. Mais ces questions un peu envahissantes ne me dérangent pas, au contraire. Je sens que les gens ont envie de me connaître et toute personne que je rencontre va immédiatement me mettre à l’aise. Je n’ai pratiquement pas à faire d’efforts pour m’intégrer, les gens le font automatiquement.

En rentrant à Guayaquil hier soir à l’arrière d’une petite camionnette rouge avec Dionne, une ancienne volontaire anglaise de l’ONG venue en Equateur pour préparer l’inauguration du Centre, j’ai les cheveux et la poussière dans les yeux, j’ai froid et je suis inconfortablement assise sur une sorte de petite caisse. Mais je vois le soleil rouge se coucher sur la campagne, et c’est la première fois que je commence à sentir que je vais probablement quitter ce pays en pleurant d’ici dix mois.

jeudi 3 septembre 2009

PASO A PASO



J+4 et les premières impressions de Guayaquil sont aussi nombreuses que contrastées. Après 17h40 de vol, avec escale à Amsterdam et arrêt à Bonnaire (Antilles Néerlandaises) pour refaire le plein, j’arrive exténuée et – disons le – pas très fraiche à l’aéroport Joaquin Olmeda de Guayaquil. Je suis accueillie très chaleureusement par trois étudiants bien courageux de l’AIESEC qui se sont levés à cinq heures du matin exprès pour moi, et qui tiennent des pancartes « Bienvenue Camille ! ». Nous allons prendre un petit déjeuner équatorien où je goute un Bolón – petite boule cuite de platane et de fromage très doux assez bourrative. Ils m’emmènent ensuite faire un tour de la ville en voiture jusqu’en haut du Cerro Santa Ana, colline depuis laquelle on peut voir tout Guayaquil et le fleuve Guayas. Puis ils m’emmènent à la casa de la Señora Marlene, la présidente de l’ONG, chez qui je loge pendant neuf mois. Je vis dans le quartier Los Guayacanes, au nord du centre. C’est un quartier de classe moyenne, réputé tranquille malgré son apparence un peu délabré à certains endroits.

Comme certaines grandes villes d’Inde, Guayaquil est immense, chaotique, bouchée, poussiéreuse et très rapide. On est littéralement étouffé par la pollution, par les voitures qui conduisent à toute allure, par le brouhaha permanent des commerçants ambulants et des moteurs. Il y a du bruit, de la fumée, des foules de gens qui se précipitent entre les voitures, des chiens errants, des vendeurs de rue qui harcèlent les passants à grands cris. Et dans tout ça, une certaine insécurité pour l’étranger qui ne sait pas par quel bout prendre ce maelström urbain. Il faut constamment être alerte avec ses affaires ou en traversant la rue car les voitures et les bus foncent à toute allure sans se préoccuper des passants. Vaut mieux ne pas risquer être sur leur passage. Moi qui rêve depuis des mois de la ville latino américaine, je suis bien servie. Et surtout, terrorisée. L’euphorie des premières heures cède place à la panique devant le contraste immense entre Paris et Guayaquil. Ici les bus n’ont pas d’arrêt, seulement une trajectoire, et il faut les arrêter en se mettant au milieu de la rue et en levant la main ; les plans de bus et de ville n’existent pas, il faut compter sur les indications des locaux ; la chaleur du jour est insoutenable ; les rues sont envahies de basura (déchets), de chiens errants et, plus tristement, d’enfants mendiants. On m’avait prévenu qu’il ne fallait pas se décourager en s’arrêtant aux premières impressions de Guayaquil : néanmoins, les premiers jours, j’ai été prise d’un réel doute.

Heureusement, il y a les gens. Leur gentillesse est ineffable. Tout d’abord, les étudiants de l’AIESEC qui m’accueillent et m’accompagnent partout dans la ville pour toutes mes démarches administratives, qui me sortent dans Guayaquil pour des promenades dans la journée ou un verre le soir parce qu’ils savent très bien que pour l’instant, je suis incapable de faire deux pas toute seule, qui se plient en deux pour que je me sente bien et que je trouve des solutions aux petits problèmes administratifs que je rencontre. Je n’aurai jamais pu imaginer un tel accueil. Mais il y a aussi les gens du quartier et toute la famille de la Señora Marlene qui, dès mon arrivée, m’ont fait comprendre que j’étais alors membre de la famille et que je pouvais venir les voir pour n’importe quoi. Il y a aussi Jessica, une stagiaire américaine de l’AIESEC à Guayaquil qui loge chez la fille de la Présidente depuis six mois, et qui a pu me rassurer en me disant comment elle s’était accoutumée petit à petit à la ville. Et voilà le mot d’ordre : petit à petit, paso a paso : les choses se font progressivement. Je suis frustrée parce que je ne comprends rien à l’organisation de Guayaquil et je ne me sens pas encore en sécurité pour sortir seule ; « Mi amorcito ! es normal ! Ça ne fait que DEUX JOURS que t’es là Camila ! » me répond la Señora Marlene. Elle est dans le vrai. Jessica me conseille de prendre les choses jour par jour, de me fixer des petits objectifs comme acheter un portable, demander seule un renseignement en espagnol, aller visiter un endroit seule dans la ville, manger un plat typique – parce que les premiers jours, je n’avale presque rien tellement je suis prise par l’angoisse de tomber malade à cause de la bouffe. Je décide de suivre ses conseils, je ne peux qu’y gagner.

Et voici qu’aujourd’hui je suis donc très fière, parce que j’ai pris le bus toute seule pour la première fois pour rentrer à la maison. Et je suis ensuite sortie dans le quartier toute seule pour aller au Cybercafé. Il est à cinq minutes, mais pour moi qui crains pour ma tête de gringo (occidental), c’est un grand pas. En revenant à la maison, fière de mon indépendance croissante, je décide de prendre une douche quand je suis brutalement ramenée à la réalité de mes angoisses par la présence d’un énorme cafard dans la salle de bain. Moi qui n’en revenais pas de mon courage lorsque j’ai passé un gros chien errant dans la rue avec un tel sang froid que ça m’aurait valu une médaille, je me retrouve soudain pétrifiée devant ce laid imposteur. « Papí, hay una cucaracha gigante en el baño! » je finis par crier toute vulnérable au mari de la Señora. Arrive Papí qui rentre fermement dans la douche, écrase de son pied nu l’infâme bestiole et ressort en riant. Bueno… un des mes objectifs est donc d’arriver à faire ça d’ici deux mois. Avec une chaussure, faut pas déconner non plus.