jeudi 29 octobre 2009

Fundación de Asistencia Social "Corazones Unidos"


Les voyages, les fêtes, la bonne nourriture, la musique, le mode de vie, les sauts en élastique, la famille et les amis, je vous raconte des choses bien sympathiques. Euh, au fait Camille, t’es pas sensée être en stage ou te risquer dans des zones impaludées pour donner le sourire aux enfants indigènes ou quelque chose comme ça ? J’y viens ! Il est vrai que je commence à me sentir un peu gênée par la question récurrente et si délicatement posée : «mais, tu fous quoi au juste là bas?». Le temps est donc venu de vous parler un peu de mes activités. Si je n’en ai pas beaucoup parlé avant, c’est tout simplement parce qu’il n’y avait pas grand-chose à raconter…

Au commencement, disons qu’il y eut un gros point d’interrogation. Comme je vous l’avais raconté avec beaucoup de calme avant mon départ, mes connaissances de ce qui allait se passer pour moi en Equateur s’arrêtaient à mon arrivée à l’aéroport. Je n’avais jamais parlé avec l’ONG (l’AIESEC s’était occupé de tout) et ne connaissais pas dans les détails les activités de l’organisation. Risqué, me diriez-vous.

Je débarque donc et attends plusieurs jours que l’on veuille bien m’éclairer sur ce que je dois faire. Je suis impatiente de découvrir le siège, les personnes dévouées qui travaillent pour l’ONG et s’affairent toute la journée à droite à gauche pour monter des campagnes de dons ou financer de nouveaux projets. Mais c’est tout juste si le mot « stage » est prononcé la première semaine. Non, la Señora Marlene veut que je me repose et que je m’accoutume progressivement avant de commencer à travailler. Tout en douceur. Ok, soit. Une semaine passe, je finis par aborder le sujet. Quand vais-je pouvoir aller au siège de l’ONG ? je demande un soir lors d’un diner avec toute la famille. Quelques secondes de silence suivies d’une explosion de rire générale : Mais Camilita, tu y es ! Pardon ? La maison dans laquelle je vis est le soi-disant « siège » ? Mes rêves de travailler aux côtés de volontaires déterminés dans un bureau aux couleurs de l’ONG s’évanouissent.

Et puis vint LA réunion décisive où nous devions parler de mon rôle dans l’ONG durant les dix prochains mois, et durant laquelle je me suis rendue compte du BIG malentendu… Moi, étudiante de troisième année, sans aucune connaissance réelle du monde des ONG à part ce qu’on a pu m’enseigner en cours, espérant apprendre le plus possible du travail qu’on va me donner durant ce stage. Eux, petite ONG noyée dans la masse d’initiatives pour le développement équatorien, me percevant comme le messie arrivée d’un pays occidental qui va les sauver des flammes et leur montrer le chemin à suivre pour réussir. La réunion a donc donné quelque chose comme ça : moi et la présidente se regardant pendant dix minutes dans le blanc des yeux, chacune attendant que l’autre lui indique ce qu’elle doit faire. Nous nous sommes finalement mises d’accord sur ce que je dois faire durant 10 mois: je suis responsable de trouver des partenaires et parrains de long-terme pour l’ONG afin de lui assurer des rentrées d’argent et dons matériels permanents et établir parallèlement un plan d’autogestion financière. Voilà, autant tous nous pendre tout de suite. C’est à peine si je comprends ce que veut dire autogestion financière…

Certes, je suis donc en mode panique au départ (est-ce que je m’enfuis lâchement au Nicaragua en laissant un mot disant que j’ai la grippe aviaire?...), mais durant les semaines qui suivent, je commence à découvrir tranquillement comment fonctionne la Fundación de Asistencia Social « Corazones Unidos » (FASCU). C’est une entité minuscule sans salariés, seulement des volontaires, quasiment toutes des femmes, qui vivent à Tamarindo, le village principal dans lequel sont basées les activités. En Equateur, les ONG sont généralement de deux sortes : les ONG internationales (PLAN, Unicef, Croix Rouge,…) et les fondations montées par des épouses d’hommes riches (du gouvernement, banquiers, grands avocats…) qui ont beaucoup d’argent et cherchent à en faire quelque chose de caritatif. Corazones Unidos, la mienne, appartient à une troisième catégorie, celle des petites ONG locales créées par des citoyens qui ont une volonté authentique de faire quelque chose, mais qui n’ont aucun argent pour réaliser leurs activités et doivent en permanence lutter pour trouver des fonds. Alors qu’en France, ce type d’association est beaucoup plus fréquent, dans un pays en développement, les petites initiatives citoyennes sont encore rares, les personnes de classes moyennes et en dessous ayant comme premier souci de trouver de l’argent pour leur propre famille avant de le faire pour aider les autres. Pourtant, c’est bien ce que fait la Señora Marlene. Je suis sciée par sa volonté inébranlable de faire avancer son œuvre, malgré l’impossibilité de la tâche. Les coûts sont énormes par rapport aux ressources de l’ONG, ce qui d’une part, rend le future de notre petite Fundación très incertain, et d’autre part, met beaucoup de pression sur mes épaules pour trouver des fonds.


Corazones UnidosCœurs Unis ») est une ONG qui travaille avec des enfants, personnes âgées et personnes handicapées des communautés du Canton Santa Lucia, au nord de Guayaquil. Tamarindo, le village dont la Présidente est originaire, est le centre des activités de l’ONG. Au départ, lorsqu’a été créée la Fondation il y a plus de quinze ans, il s’agissait seulement de réaliser des distributions de vêtements, de jouets et de vivres aux personnes les plus démunies des communautés alentours. Depuis, l’ONG a accru ses activités pour améliorer les conditions socio-économiques et médicales des familles bénéficiaires. Les cinq dernières années, elle a travaillé sur le projet de construire un centre de santé offrant des consultations médicales et soins gratuits pour tous. Le centre vient d’être inauguré il y a un mois, les familles s’y précipitent. C’est une véritable réussite. Mais il est essentiellement financé par la Municipalité. Le reste des activités de l’ONG – en particulier les programmes de parrainage et d’aide alimentaire à des enfants malades et personnes handicapés – continuent sans appui public. C’est là, particulièrement, que nous avons besoin de fonds.

Les deux premiers mois, il s’agissait donc pour moi de comprendre tous les mécanismes, toutes les activités, tous les coûts et revenus. Etudier les projets, les budgets, les évènements, les photos, les agendas, les relations des années passées pour trouver les points forts et les points faibles, les acquis et les nécessités, les erreurs et les réussites. De longues heures à converser avec la présidente, à prendre des notes lors des réunions, à fouiller dans les archives et documents de l’ordinateur. De tout ce travail de recherche, j’en ai fait un dossier complet présentant l’ONG, son histoire, ses activités, son budget et ses nécessités. J’ai eu à travailler notre demande : comment trouver des parrains si nous n’allons pas vers eux avec une demande précise écrite ? Qu’ils nous aident à financer l’installation d’Internet, des chaises roulantes, l’aide alimentaire et médicale que nous apportons aux bénéficiaires, le coût d’entretien d’un volontaire étranger tous les ans, des jouets pour les enfants pour les fêtes de noël, des formations pour les volontaires et la présidente, un véhicule pour effectuer les déplacements entre les communautés du canton qui sont parfois très éloignées les unes des autres, l’équipement du service déontologique du centre. Des besoins, nous en avons beaucoup. Trop. Les entreprises ne peuvent pas les deviner. J’ai donc présenté chaque besoin expliqué, détaillé, décortiqué, et je dois aller vers les entreprises qui sont aptes de répondre à tel ou tel besoin, ou qui du moins seront plus sensibles à tel ou tel besoin. Il ne me reste plus qu’à trouver le courage de décrocher le téléphone et d’argumenter – en espagnol.


A ceux qui me demandent à quoi ressemble une journée typique de travail, je leur réponds que le concept de journée typique n’existe pas pour moi depuis que je suis ici, ni au travail, ni pour le reste. Même si je commence bien à avoir mes habitudes et repères, il n’y a pas une journée qui ressemble aux autres. Changement formidable par rapport à Paris, moi qui n’en pouvait plus des journées routinières qui tournaient en rond et se répétaient. Ici c’est radicalement différent. D’une part, je n’ai pas de bureau. Je travaille dans différents endroits : à la maison, au cybercafé, à Tamarindo, dans Guayaquil à chaque fois qu’il faut que je me déplace quelque part pour faire des petites tâches pour l’ONG ou chercher des contacts. Il y a des jours où je peux me lever à 9h du mat, prendre mon temps, aller vérifier la boite mail de l’ONG sur les coups de midi, écrire un ou deux documents dont a besoin la présidente, et terminer tranquillement autour de 16h. D’autres jours, comme hier, je vais courir dans tous les sens : me lever à 7h du matin, aller au centre-ville pour retirer les invitations que j’ai fait faire pour un évènement, puis me rendre à Tamarindo (2h de bus) pour une réunion et présenter aux volontaires le dossier que j’ai réalisé, puis revenir à Guayaquil (encore 2h de transport), me précipiter au cybercafé pour envoyer des e-mails de la part de la Présidente, puis discuter avec elle jusqu’à 22h en prenant des notes de toutes les informations que je dois chercher pour elle avant la fin de la semaine.

Le plus difficile est cependant d’avoir une vision à long terme avec cette ONG. Les tâches à faire, je les reçois généralement du jour au lendemain, voir du soir à 21h pour le lendemain matin. «Au fait Camille, demain matin il faut que vous alliez à la Junta de Beneficiencia pour leur faire une demande de chaises roulantes de notre part». Et moi de lui répondre avec toute le calme et la patience que j’apprends à avoir ici: mais Marlene, pour que je leur présente la demande, encore faut-il que nous fassions un dossier avec les informations des bénéficiaires qui ont besoin des chaises roulantes, leurs photos, leurs informations d’identité, une copie du registre officiel pour justifier de notre statut d’ONG… je lui fait la liste de tout ce dont j’ai besoin pour constituer le dossier. A oui, c’est vrai, me dit-elle. Et nous voilà cherchant à 21h tous les documents qu’il nous faut pour le dossier, et moi courant faire des photocopies avant que ne ferme la petite boutique d’en face, pour avoir un dossier prêt pour le lendemain matin. Imaginez maintenant ce scénario à peu près toutes les semaines, vous comprendrez pourquoi une de mes priorités actuellement, est d’établir un agenda sur plusieurs mois avec la présidente.

Rire machiavélique. Ça fait deux mois que je n’ai pas pu faire usage de ma maniaquerie organisatrice et j’ai bien envie de me défouler sur la Fundación...les pauvres, ils ne savent pas sur qui ils sont tombés…

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